Le Dr Arruda a confondu le début de la deuxième vague avec des vaguelettes
Le Québec a basculé dans la deuxième vague de la COVID-19 au début du mois de septembre, soit 20 jours plus tôt que ce qu’avaient annoncé les autorités. Le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, confondait le début de la deuxième vague avec des vaguelettes, a-t-il admis dans un entretien avec Le Devoir.
« Maintenant, quand on recule, on est capable de trouver que la deuxième vague, elle a commencé plus tôt, au début septembre », a-t-il déclaré jeudi, en confirmant les propos tenus quelques heures plus tôt par le ministre de la Santé.
En point de presse, Christian Dubé a affirmé que le Québec en était au 50e jour de la deuxième vague, plaçant ainsi le début de celle-ci au 2 septembre, et non pas au 21 septembre, tel que les autorités l’ont soutenu depuis des semaines.
Interrogé sur ce changement de date, son cabinet a dépêché le Dr Arruda afin qu’il fournisse des explications au Devoir.
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« À plusieurs reprises au cours du mois d’août et du mois de septembre, le gouvernement a demandé à la Santé publique si le Québec était en deuxième vague », a écrit l’attachée de presse du ministre, Marjaurie Côté-Boileau, dans un courriel. « On nous a répondu à maintes reprises qu’il fallait observer la tendance sur une plus longue période pour qualifier qu’il s’agissait bel et bien d’une deuxième vague plutôt que d’une “vaguette”. »
Rappelons que c’est le 21 septembre que le Dr Arruda a déclaré que la deuxième vague était amorcée au Québec. Quatre jours plus tôt, le 17 septembre, il avait assuré qu’il était « encore trop tôt pour parler de deuxième vague ». « Si on réagit sur un pic, [si] le lendemain, ça va en baissant, c’est comme avoir utilisé un canon pour tuer une mouche », avait-il illustré. Christian Dubé en avait fait tout autant, utilisant la formule « si deuxième vague il y avait » pour faire référence à celle-ci.
« Les spécialistes nous disent : On n’est pas dans une deuxième vague », avait aussi déclaré le premier ministre, François Legault au Salon bleu.
En entrevue au Devoir au début du mois, le ministre de la Santé a nié que les signes d’une deuxième vague étaient perceptibles dès la fin du mois d’août. « La réponse est non. Je pense qu’on l’a demandé assez souvent au docteur Arruda : on était-tu dedans ? C’est sûr que c’est facile de dire : “On aurait pu dire que c’était là”. La date, c’est la date où le docteur Arruda l’a officialisée », avait-il soutenu, en faisant référence au 21 septembre.
Jeudi, le Dr Arruda a fait valoir que la date du début de la deuxième vague n’était pas importante en soi. « Peut-être que vous, vous trouvez ça important que ce soit deux semaines avant, mais pour moi, ça n’a pas de changement par rapport à l’intervention que j’ai à faire. Par rapport à tout ce qu’on mettait en place, ça ne changeait rien », a-t-il assuré.
Dès le 23 août
Or, aux yeux de certains experts, la date identifiée au début de la deuxième vague a son importance. Dans une récente entrevue au Devoir, des spécialistes et cliniciens ont avancé que plusieurs signaux étaient au rouge bien avant le 21 septembre, et que la timidité de certaines mesures avait aidé à redonner du souffle à la pandémie.
L’un d’eux, le Dr Marc Dionne, médecin-conseil en santé publique et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec, disait avoir observé « une résurgence des cas » dès le 23 août.
« On se retrouve encore dans les derniers de classe au Canada. On a tardé à fermer complètement les bars [1er octobre] malgré les éclosions survenues cet été. On se ramasse avec quelque chose de sévère. […] On a perdu le contrôle et c’est difficile à rattraper », déplorait quant à lui l’épidémiologiste Benoît Mâsse, de l’École de santé publique de l’Université Montréal.
« Une intervention précoce de la Sécurité publique aurait pu changer la donne », faisait aussi valoir la Dre Marie-France Raynault, cheffe du Département de santé publique et de médecine préventive du CHUM. Elle faisait référence aux pouvoirs que réclamaient les policiers pour intervenir auprès des récalcitrants.
Interrogé à ce sujet, le Dr Arruda a maintenu qu’il n’avait pas à agir plus tôt. « Ce qu’on [avait] comme mesures, c’était associé à la quantité de cas qu’on avait, etc. Je ne pense pas que c’est ça qui a fait qu’on a des cas aujourd’hui, parce qu’on a été trop tard », a-t-il dit.
Le directeur de la Santé publique a ajouté qu’il était facile de critiquer sa lenteur à agir « a posteriori ». « Si j’avais alerté trop tôt et que ça avait été une vaguelette, j’aurais été accusé d’avoir alerté le monde pour rien. »
Sur le plan politique, le début de la seconde vague avait aussi divisé les élus. Le 17 septembre, le compte Twitter « Aile parlementaire de la CAQ » avait raillé, dans une vidéo, « le discours alarmiste de l’opposition libérale », puisque les élus libéraux avançaient que le Québec était entré dans la deuxième vague.
Jeudi, la nouvelle concernant la date du début de la deuxième vague a vivement fait réagir la chef du PLQ. « Le 15 septembre, nous déclarions que nous étions en deuxième vague. Avec toute l’information qu’elle avait, la CAQ niait que c’était le cas. Aujourd’hui, on apprend que la deuxième vague était commencée depuis des jours ! C’est franchement incroyable ! » a dénoncé Dominique Anglade sur Twitter.
Au moins quatre cas de COVID-19 au bingo de Saint-Jean-sur-Richelieu
La COVID-19 s’est propagée au Bingo Communautaire HR, à Saint-Jean-sur-Richelieu. Quatre joueurs ont reçu jusqu’à présent un diagnostic positif, selon la Direction de santé publique de la Montérégie.
Il y a une semaine, la Santé publique a demandé aux gens ayant participé à la soirée de bingo du 4 octobre de subir un test de dépistage. Un joueur, présent ce soir-là, était atteint de la COVID-19.
Depuis, trois autres cas de COVID-19 ont été confirmés. Ces personnes ont fréquenté le Bingo Communautaire HR « à partir du 4 octobre », indique la Santé publique.
Le nombre de joueurs de bingo atteints pourrait encore augmenter. La Santé publique a tenu une clinique mobile de dépistage à Saint-Jean-sur-Richelieu mardi. Des résultats de tests sont à venir.
Marie-Eve Cousineau
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La Presse canadienne