Québec n’aura plus besoin de rationner les masques N95

Après l’infection de plus de 17 000 travailleurs de la santé, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a entrouvert la porte jeudi à une révision des directives concernant le port du masque N95, limité à une infime proportion du personnel soignant. D’autant plus, a-t-il ajouté, que les approvisionnements en équipements de protection ne sont plus un problème à l’heure actuelle.
« Je pense à l’exemple des [masques] N95, demandés par la FIQ [Fédération interprofessionnelle de la santé]. Nous sommes sensibles à cela. [S’il faut changer cela], nous le ferons, parce que nous n’avons plus du tout de problèmes quant aux équipements », a-t-il répondu en anglais, lors du point de presse quotidien du premier ministre Legault.
Rationnés l’hiver dernier, les stocks d’équipements de protection seraient maintenant « amplement » suffisants, a dit le ministre. En français, il s’est fait plus évasif : « Les ajustements qui vont devoir être faits en contrôle et en prévention des infections, on va les faire. » Les syndicats ont toujours allégué que cette directive était fondée davantage sur la disponibilité des équipements, que sur de stricts critères de santé.
Les masques N95 — seuls à bloquer les petites particules virales présentes dans les aérosols — sont toujours réservés au personnel prodiguant aux patients atteints de COVID des soins susceptibles de générer des aérosols, notamment les intubations.
Le ministre Dubé s’est dit prêt à réorienter le tir si les avis de ses experts venaient à changer à ce sujet.
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Outrés des chiffres diffusés la veille par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et Le Devoir sur le nombre d’employés du réseau infectés, des syndicats du milieu de la santé ont réclamé à nouveau jeudi l’accès aux fameux masques N95.
Les données à jour obtenues par Le Devoir mercredi chiffraient à plus de 17 000 les travailleurs frappés par la COVID-19 du 1er mars à la mi-octobre, dont 2200 au cours des six dernières semaines. Près de 50 % ont été infectés en CHSLD, 13 travailleurs ont été emportés par la COVID-19, dont 8 étaient des préposés aux bénéficiaires.
Jeff Begley, président de la FSS-CSN, ne s’étonne pas du lourd tribut payé, notamment par les préposés aux bénéficiaires. Ces derniers n’ont toujours accès qu’aux masques de procédures, visières, gants et blouses de protection. « C’est choquant de voir qu’il y a eu plus d’infections dans le personnel des CHSLD que dans les unités COVID-19 d’hôpitaux, là où les employés ont accès aux masques N95. Il faut apprendre de cela pour la 2e vague », répète-t-il.
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) ira jusqu’en cour pour obtenir l’accès aux masques N95. « On a des masques de procédures depuis le 4 avril. Pourtant, nos professionnelles continuent d’être mal protégées », défend Linda Lapointe, vice-présidente Santé et sécurité au travail à la FIQ.
La requête déposée en Cour supérieure vise à invalider l’ordonnance du gouvernement restreignant largement l’usage de masques N95. La FIQ réclame en sus que Québec teste, lors d’un projet-pilote, l’incidence du port du N95, en comparant, dans un même établissement, les taux d’infection d’employés pourvus de cette protection, de ceux qui en sont privés.
Le ministre Dubé a dit jeudi avoir « pris acte » du rapport de l’INSPQ et mis en place depuis juin plusieurs nouvelles mesures pour améliorer la sécurité des travailleurs, notamment en limitant le déplacement de personnel et en dotant chaque établissement d’une équipe spécifique et d’un gestionnaire responsable de la prévention des infections.