247 voyageurs à l'origine de l'épidémie au Québec

Ce sont 247 personnes ayant voyagé en Europe, aux États-Unis, dans les Caraïbes et en Amérique latine durant la semaine de relâche scolaire qui sont à l’origine de l’épidémie de COVID-19 qui a déferlé sur le Québec et qui a engendré plus de 66 000 cas à ce jour, révèlent les conclusions de l’analyse génétique des virus prélevés chez les premiers cas québécois de COVID-19.

Les équipes du Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ) et du Centre de génomique de l’Université McGill ont déterminé les séquences génomiques de 734 échantillons de virus prélevés au Québec entre la mi-février et le 1er avril 2020, soit la période où l’épidémie a débuté au Québec. Ces séquences ont ensuite été comparées à plus de 21 935 autres séquences de SRAS-CoV-2 échantillonnés durant la même période ailleurs dans le monde (et disponibles dans la base de données de référence GISAID) et dans les autres provinces canadiennes. L’équipe de chercheurs a également pu avoir accès à l’historique de voyages des personnes infectées dont les prélèvements ont fait l’objet de cette étude.

Il est d’abord ressorti de ces analyses que les toutes premières personnes infectées par le SRAS-CoV-2 à être entrées au Québec, dont la première a été détectée le 25 février, ne sont pas celles qui ont véritablement contribué à l’épidémie. « Les premiers cas ont été plutôt bien maîtrisés », affirme Sandrine Moreira, responsable de la coordination de la génomique et de la bio-informatique au LSPQ.

Ce sont surtout les personnes ayant voyagé durant la semaine de relâche qui sont à l’origine de la transmission de la maladie. « L’analyse qu’on a faite a permis d’identifier au minimum 247 introductions différentes au Québec qui sont principalement liées aux voyages effectués durant la semaine de relâche. Et il s’agit d’une estimation basse dans le sens où, avec plus de données, on aurait certainement pu en identifier davantage, car il y avait des cas qui étaient incertains quant à leur origine », poursuit la chercheuse.

Surtout d’Europe et des Caraïbes

L’origine des souches portées par ces personnes a pu être retracée en interrogeant les gens sur les pays qu’ils avaient fréquentés, ainsi que par une étude de phylogénie, soit une analyse phylogénétique des virus que renfermaient les échantillons. Ce type d’analyse permet de découvrir les liens de parenté entre les différentes souches du virus en circulation et de retrouver l’ancêtre commun entre deux souches, soit le point de jonction entre un Québécois et une souche étrangère, par exemple.

Les données sur l’historique de voyage des personnes ont d’abord révélé que la majorité des introductions venaient d’Europe (32,7 %), dont principalement de France (12,1 %), puis des Caraïbes et d’Amérique latine (30,9 %) et des États-Unis (23,9 %). Quelques introductions provenaient d’Asie (1,2 %), mais aucune de Chine.

Lorsque les chercheurs ont comparé ces informations de voyage aux résultats de l’analyse phylogénétique, ils ont découvert que les gens n’avaient pas nécessairement ramené une souche originaire du pays qu’ils avaient visité. « Parmi les personnes qui étaient allées à Cuba, par exemple, certaines ont rapporté avec elles des souches des Pays-Bas ou d’Italie. Cette situation a surtout été vue, sans grande surprise connaissant les destinations de voyage de la relâche, à propos de souches introduites par des gens ayant voyagé dans les Caraïbes, qui sont un lieu de rencontres international. Cette région a été un lieu de redistribution des souches au niveau international fascinant », fait remarquer Mme Moreira.

Parmi les personnes qui étaient allées à Cuba, par exemple, certaines ont rapporté avec elles des souches des Pays-Bas ou d’Italie

 

Il semble aussi y avoir eu quelques introductions en provenance des autres provinces canadiennes, notamment de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. « On ne peut pas exclure cette possibilité, mais la puissance des données ayant servi à la comparaison n’était pas très bonne pour les détecter », précise Jesse Shapiro, professeur au département de microbiologie et d’immunologie de l’Université McGill et chercheur au Centre de génomique de cette même institution.

Pas de cas en provenance d’Asie

Aucun cas provenant directement de Chine n’a été décelé parmi les cas étudiés. « On ne remet pas du tout en question le fait qu’il y a une souche chinoise à l’origine [de tous les SRAS-CoV-2 en circulation], mais dans les données que nous avons analysées, nous n’avons pas vu d’importations directes. La souche a voyagé de la Chine vers la France, l’Angleterre, ou ailleurs en Europe, et est arrivée ensuite au Canada », explique Mme Moreira.

Même si plusieurs échantillons de l’étude provenaient de personnes revenant des États-Unis, l’analyse phylogénétique a révélé qu’ils renfermaient principalement des virus appartenant à des lignées européennes, dont l’une d’entre elles « a d’abord été observée en Italie avant de se répandre en Europe. Cette lignée est rapidement devenue la plus prévalente au Québec au début de l’épidémie », souligne M. Shapiro avant d’ajouter que « l’épidémie qui a eu lieu au Québec ressemble à celles survenues à New York et à Boston, dans le sens où ce sont plus des lignées européennes qu’asiatiques qui les ont alimentées ».

« Ces 247 introductions identifiées par l’étude, c’est à la fois beaucoup et pas beaucoup, fait remarquer Mme Moreira. C’est sûr qu’il y a eu d’autres introductions entre-temps, mais en gros, ces 247 cas ont conduit à la majorité des 66 000 cas qu’on observe à l’heure actuelle. Finalement, très peu ont conduit à beaucoup de cas. Mais c’est aussi beaucoup quand on compare à d’autres situations, comme celle de Boston. Lors d’une analyse semblable à la nôtre effectuée à Boston, il a été observé deux à trois fois moins d’introductions de l’extérieur qu’on en a eu, au Québec. »

« Ici, on a connu une situation assez unique avec la semaine de relâche qui a eu lieu assez tôt. Les autres provinces canadiennes n’ont pas été touchées autant que le Québec justement parce que leur semaine de relâche était prévue plus tard. La fermeture des frontières est survenue avant que les familles des autres provinces partent en voyage, ce qui a eu un impact positif pour eux », avance la chercheuse.

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