Le Québec est entré dans la deuxième vague de la pandémie
Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, espérait une « vaguette ». Mais la hausse des cas de COVID-19 constatée au fil des derniers jours est telle que le Québec est entré dans la « deuxième vague » de la pandémie, a-t-il déclaré lundi.
« Je suis encore très, très, très préoccupé par la situation », a-t-il affirmé dans un point de presse organisé à l’Assemblée nationale, dans le créneau horaire de 13 h avec lequel les Québécois se sont familiarisés au cours de la première vague.
« On est dans la deuxième vague, dans son début », a-t-il poursuivi. « Il y a du virus partout au Québec. »
Le Québec a enregistré lundi 586 nouveaux cas de COVID-19, dépassant les 462 cas de la veille, qui établissaient déjà un nouveau « record » depuis le mois de mai. Le nombre d’hospitalisations a quant à lui augmenté de dix personnes.
« Nous n’avons pas perdu le contrôle, mais c’est une situation préoccupante », a déclaré le Dr Arruda en anglais. En pointant ses mains vers le haut pour mimer une ascension abrupte, il a insisté sur l’importance de « réduire les contacts sociaux » pour couper court à la vague qui est « en train de monter comme ça ».
On est dans la deuxième vague, dans son début. Il y a du virus partout au Québec.
À son avis, les mesures en place actuellement sont suffisantes… si elles sont respectées. « Il faut maintenant voir comment les gens vont les appliquer, mais soyez assurés qu’on n’hésitera pas si on considère qu’il faut en ajouter par-dessus, particulièrement si la population ne répond pas aux [consignes] », a-t-il affirmé.
Du rouge bientôt ?
Si la distanciation n’est pas respectée et si le comportement actuel « demeure le même », la probabilité de voir la région métropolitaine, la Mauricie, le Centre-du-Québec et la Capitale-Nationale virer au rouge sous peu « est très élevée », a jugé l’expert en santé publique.
Québec a fait passer dimanche les régions de Montréal, de Chaudière-Appalaches et de la Capitale-Nationale (en partie) au niveau orange, appelé « alerte modérée ». La région de la Mauricie-et-Centre-du-Québec demeure au palier de vigilance, marqué par la couleur verte.
La décision a alimenté d’intenses discussions entre la Santé publique et les directions régionales, selon nos informations. Certaines de ces directions, comme celle de Montréal, voyaient venir le passage à la couleur orange depuis quelques jours. D’autres ont plutôt fait valoir l’importance de demeurer au jaune.
« Ça va être comme ça », a confié une source gouvernementale à propos des discussions musclées qui attendent les équipes de la Santé publique au cours des prochains mois. Aucune de ces équipes ne souhaite revenir aux mesures contraignantes du printemps dernier — et l’entourage du premier ministre non plus, d’ailleurs.
L’approche, plus « chirurgicale » pour reprendre l’expression du ministre de la Santé, accorde davantage de place à l’expertise régionale et locale en santé publique. En cela, un document sur les paliers d’alerte, qui a filtré dans les médias la semaine dernière, demeure une « base de travail » et un « outil de décision », puisque l’entourage du premier ministre s’attend à ce que les experts en santé publique « jugent selon la situation réelle de l’épidémie ».
Des défis d’adhésion
De Montréal, la directrice de la santé publique, Mylène Drouin, a elle aussi noté l’intention de ses équipes de « faire des interventions ciblées pour voir si le milieu est une source de transmission ».
La Dre Drouin a en outre demandé la collaboration de la population afin de faire face à ce qu’elle a qualifié de « début de deuxième vague ». « On voit clairement cette image de la courbe qui s’accélère, on est en train de le vivre actuellement », a-t-elle déclaré.
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La moitié des 219 cas enregistrés à Montréal dimanche concernent des jeunes de 18 à 34 ans, pour qui les conséquences du coronavirus sont — de manière générale — moins graves. Montréal compte 53 éclosions actives, dont 14 en milieu scolaire, mais celles-ci sont bien maîtrisées selon la Dre Drouin.
Un défi se pose néanmoins lors des enquêtes épidémiologiques visant à retrouver les personnes ayant été en contact avec un cas positif. Pas moins du tiers des 512 personnes que la Santé publique de Montréal a tenté de joindre au cours de la fin de semaine n’ont pas répondu aux appels, rendant les enquêtes d’autant plus laborieuses.
Dans la Capitale-Nationale, 92 cas avaient été recensés entre dimanche et lundi. Quatre décès s’étaient aussi ajoutés au bilan de la pandémie. De quoi faire dire au maire de Québec, Régis Labeaume, « qu’on est en train de l’échapper d’aplomb ».
À l’échelle du Québec, une récente opération policière visant l’ensemble des établissements licenciés a aussi permis de chiffrer les accrocs aux consignes de la santé publique. Au terme de 2206 visites, les policiers ont formulé 1500 avertissements et avis verbaux, en plus de remettre 90 constats d’infraction, a détaillé la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault.
Le privé à la rescousse
Par ailleurs, dans le discours public comme dans les communiqués de presse envoyés par les directions de santé publique, de nouveaux avertissements au sujet des critères devant motiver le recours à un test de dépistage sont apparus au cours des derniers jours.
« La Direction de santé publique de la Capitale-Nationale demande donc aux citoyens d’aller se faire dépister seulement lorsque la situation le requiert, ce qui permettra une prise en charge plus rapide de la file d’attente », lisait-on par exemple dans un communiqué envoyé aux journalistes en fin de journée.
Selon le Dr Arruda, de tels avertissements s’adressent particulièrement à des gens qui vont se faire tester, mais qui n’ont ni symptômes ni contacts avec des personnes infectées. « Il y en a qui se font tester, même, avant d’aller à une fête pour s’assurer qu’ils sont négatifs », a-t-il expliqué.
Québec cherche à rendre le dépistage plus efficace et juge qu’il serait beaucoup plus optimal de faire 20 000 ou 25 000 tests, mais « d’attraper plus de cas positifs », explique une source au fait du dossier.
L’objectif de procéder à 35 000 tests par jour demeure néanmoins et, pour l’atteindre, le gouvernement Legault n’a pas caché son intention d’avoir recours à des laboratoires privés.
En vertu d’ententes conclues « au cours des derniers jours » — comme le déclarait le ministre Christian Dubé jeudi —, Québec entend donc accélérer la cadence, mais surtout l’analyse des tests, afin que les résultats soient communiqués plus rapidement à la population.
Avec La Presse canadienne