Sueurs froides pour les aînés

Des personnes retraitées ont profité de l’air climatisé au Centre Rockland, à Montréal, lundi, pour échapper à la vague de chaleur qui frappe le sud du Québec depuis quelques jours.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Des personnes retraitées ont profité de l’air climatisé au Centre Rockland, à Montréal, lundi, pour échapper à la vague de chaleur qui frappe le sud du Québec depuis quelques jours.

Avec la vague de chaleur accablante attendue dans le sud du Québec, des médecins et des organismes s’inquiètent du sort des aînés isolés dans leur domicile non climatisé. Ils sont d’autant plus préoccupés que bien des gens âgés hésitent à sortir de chez eux pour se rafraîchir, de crainte de contracter la COVID-19.

« Avec la pandémie, il y a moins de lieux ouverts, et les aînés ont parfois peur d’y aller, dit Caroline Sauriol, directrice générale des Petits Frères, un organisme qui vient en aide aux personnes âgées isolées. Les gens sont davantage reclus à la maison, surtout en ville. »

Le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre au CHUM, constate le même phénomène. « Il y a une réticence à sortir dans une frange de la population de personnes âgées. Le réflexe est moins présent. »

Les aînés courent pourtant davantage de risques pour leur santé en s’isolant dans un logement à 30 °C qu’en se rendant dans un lieu climatisé pour se rafraîchir, selon le médecin. « Si les gens respectent la distanciation de deux mètres et qu’ils prennent la peine de se laver les mains, il n’y a pas de danger d’attraper la COVID-19, dit le Dr Quoc Dinh Nguyen. La transmission est nettement plus faible qu’il y a deux ou trois mois. »

Les gens âgés sont plus vulnérables aux épisodes de chaleur que la population en général. En vieillissant, le corps peine davantage à réguler la température interne et à détecter la soif, rappelle-t-il.

Avec la pandémie de COVID-19, les endroits pour se rafraîchir demeurent limités. À Montréal, les bibliothèques sont ouvertes, mais les abonnés ne peuvent pas y rester pour lire. Ils doivent demeurer au comptoir de prêts. Dans la ville, des jeux d’eau, des piscines et des brumisateurs sont toutefois accessibles.

« Les lieux sont plus restreints avec la pandémie, reconnaît le Dr Maxime Roy, médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique de Montréal. C’est ça, le grand défi. »

D’autant que les autorités déconseillent aux gens de flâner dans des centres commerciaux.

« Le gouvernement a permis l’ouverture des centres commerciaux, mais en même temps on a découragé les gens de s’y asseoir », précise le Dr Maxime Roy. Impossible, dit-il, d’y demeurer pendant deux ou trois heures, le temps nécessaire pour avoir un « répit de chaleur » efficace. Le cinéma demeure une option.

« Les espaces verts et les endroits à l’ombre sous les arbres peuvent aussi être salutaires, ajoute le Dr Maxime Roy. À l’intérieur, il ne faut pas oublier qu’une douche, un bain, une serviette mouillée ou même un t-shirt mouillé peut contribuer à faire baisser la température corporelle. »

À la recherche de ventilateurs

 

Louise St-Amour, 78 ans, est découragée par cette troisième canicule depuis la fin mai. Lundi après-midi, il faisait déjà 30 °C dans son appartement montréalais non climatisé, situé au 3e étage. « La chaleur, ça m’affecte beaucoup, dit-elle, au téléphone. Ça me porte à dormir. »

Mais pas question pour elle de sortir. « J’ai trop de difficulté à marcher, dit Louise St-Amour. Si je suis obligée de me déplacer, pour aller à l’épicerie par exemple, je dois toujours prendre un taxi. »

Louise St-Amour vit seule dans son 6 ½, depuis que son conjoint est décédé, il y a six ans. Sans famille, elle reçoit de l’aide des Petits Frères. « Mes finances sont restreintes », dit-elle. Ses quatre ventilateurs, fixés au plafond, ne tournent d’ailleurs pas en permanence. « Ça prend de l’électricité, dit-elle. Je les fais fonctionner seulement quand je suis dans la pièce. »

Les Petits Frères souhaitent offrir à Louise St-Amour un ventilateur sur pied. L’organisme a fait un appel aux dons d’appareils usagés dernièrement. « Mais ça n’a pas connu un grand succès jusqu’à présent », dit Catherine Sauriol.

L’organisme espère en recueillir de 200 à 300 dans sa boutique, à Montréal, au cours des prochaines semaines.

En attendant, les bénévoles des Petits Frères continuent de contacter deux fois par semaine leurs Grands Amis — c’est ainsi qu’on surnomme ceux qui sont parrainés. Une pratique instaurée depuis la pandémie. « On les appelle pour jaser et, pendant les canicules, comme cette semaine, leur rappeler de boire de l’eau, de fermer les rideaux durant le jour et d’ouvrir leur fenêtre la nuit », dit Caroline Sauriol.

C’est aussi ce que font les membres de l’Association québécoise des centres communautaires pour aînés. Bien des installations, dont certaines climatisées, sont fermées. « Plusieurs font des activités par Internet ou par Zoom ou à l’extérieur, dans des parcs », dit son directeur général, André Guérard.

Les Petits Frères croient que les autorités pourraient en faire plus pour aider les aînés lors de vagues de chaleur. Des transports vers des endroits climatisés pourraient être organisés, estime l’organisme. Des opérations porte-à-porte aussi, afin de s’assurer que les personnes âgées vont bien.

À Montréal, des premiers répondants ont effectué du porte-à-porte dans des secteurs jugés vulnérables durant la canicule en juin, signale la Direction régionale de santé publique de Montréal. La chaleur a alors été qualifiée d’« extrême » par Environnement Canada (trois jours consécutifs où la température moyenne maximale atteint 33 °C et la température moyenne minimale ne descend pas sous les 20 °C).

« Pour le moment, les prévisions météorologiques ne nous laissent pas entrevoir trois jours de chaleur extrême », dit le Dr Maxime Roy. Mais tout peut changer, remarque le médecin, qui invite les citoyens à prendre des nouvelles de leurs proches aînés.

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