Les conjoints pourront retourner dans les salles d’échographie

Fanie Grégoire est enceinte de son premier enfant. Anxieuse, elle a éclaté en sanglots quand on ne lui a pas permis de joindre son conjoint Frédéric Gemus par FaceTime dans la salle de radiologie.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Fanie Grégoire est enceinte de son premier enfant. Anxieuse, elle a éclaté en sanglots quand on ne lui a pas permis de joindre son conjoint Frédéric Gemus par FaceTime dans la salle de radiologie.

Fanie Grégoire est enceinte de 22 semaines. Mais son conjoint n’a encore jamais vu le petit cœur de leur garçon battre sur un moniteur. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les conjoints ne peuvent assister aux échographies.

« C’est un peu décevant, dit Frédéric Gémus. Surtout que, dans la société, on essaie d’accorder plus d’importance à la place des pères. »

Fanie Grégoire aurait voulu partager ces moments uniques avec son conjoint grâce à des appels vidéo sur Facetime. Mais le personnel de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, où elle est suivie, le lui a interdit. Elle a éclaté en sanglots dans la salle de radiologie. « Je trouve ça vraiment dommage, dit la Montréalaise de 38 ans, qui attend son premier enfant. Si une femme a une mauvaise nouvelle, elle est toute seule. »

Le couple croit qu’avec le déconfinement, le gouvernement devrait alléger cette règle. « Les commerces sont ouverts, mais on refuse ces droits fondamentaux aux nouveaux parents, dénonce Fanie Grégoire. En début de pandémie, j’étais entièrement d’accord avec les restrictions. Mais maintenant, j’ai l’impression qu’il y a un abus de pouvoir au détriment de notre santé mentale. »

Anne-Marie Léveillé est du même avis. La pandémie met ses nerfs à rude épreuve. La femme de 33 ans souffre d’un trouble d’anxiété généralisé. Son mari ne peut l’accompagner lors des échographies et des suivis de grossesse dans sa maison de naissance, à Blainville. « Je peux aller dans des centres d’achat et au restaurant, mais je ne peux pas aller, avec mon mari, à une échographie. J’habite avec lui. Ça n’a aucune logique. »

On comprend qu’avec le déconfinement, il faut aussi donner de l’air aux parents

Petite lueur d’espoir pour ces couples. Dans une nouvelle directive publiée le 5 juin, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) indique que la présence de l’accompagnant « pendant les rendez-vous, y compris l’échographie obstétricale, pourrait être permise à moins que les mesures de distanciation ne puissent être appliquées ».

« L’utilisation de technologies de communication devrait être encouragée lorsque l’accompagnement n’est pas possible », poursuit le MSSS.

Au centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, un comité se réunit cette semaine pour déterminer quand et comment cette nouvelle directive sera implantée prochainement.

 

« On comprend qu’avec le déconfinement, il faut aussi donner de l’air aux parents », dit la Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue dans cet établissement.

La capacité des salles d’attente et le respect de la distanciation de deux mètres demeurent toutefois un enjeu, signale la médecin.

À l’hôpital Sacré-Cœur, à Montréal, un accompagnateur pourra être présent dès jeudi lors des visites prénatales. Les règles concernant les échographies devraient être modifiées lundi, écrit le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal dans un courriel.

En revanche, l’hôpital Sacré-Cœur ne permet toujours pas au deuxième parent de demeurer dans ses murs plus de 14 heures après la naissance. « S’il n’y a pas d’éclosion ou de recrudescence des cas et que les règles de prévention et de contrôle des infections sont respectées, nous pourrions prolonger cela à l’ensemble du séjour à l’hôpital », affirme le CIUSSS.

Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Mont-réal, responsable de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, travaille aussi à mettre en place une procédure concernant l’accompagnement d’un proche, notamment lors des échographies prénatales.

Il assure qu’aucune politique n’interdit l’enregistrement d’images lors d’un examen médical. « Nous avons toutefois sensibilisé nos employés sur le fait qu’ils pouvaient refuser de se faire enregistrer sans leur consentement, en vertu de leurs droits individuels », ajoute le porte-parole du CIUSSS, Christian Merciari.

Retour des doulas

Depuis le début de la pandémie, une seule personne peut accompagner les femmes lors de leur travail en salle d’accouchement. Les mères doivent donc choisir entre leur conjoint ou leur doula. Dans sa nouvelle directive, le MSSS entrouvre la porte à un second accompagnateur. Il y est écrit qu’une « deuxième personne significative pourrait être présente en fonction des politiques de l’établissement ». Mais on peut aussi y lire qu’« une seule personne accompagnante est permise »…

Deux affirmations contradictoires, qui soulèvent des questions. Plusieurs sources ont dit au Devoir avoir contacté le MSSS à cet effet.

« Ce n’est effectivement pas clair, dit Annick Bourbonnais, présidente de l’Association québécoise des accompagnantes à la naissance. Ça laisse place à l’interprétation. »

Il s’agit tout de même d’un pas dans la bonne direction, selon elle. C’est la première fois, souligne-t-elle, que la présence d’une seconde personne significative est évoquée. « Ça fait depuis le début de la crise qu’on dit qu’on est une ressource importante et précieuse, surtout dans un contexte où le milieu médical est en sous-effectif et est débordé », rappelle Annick Bourbonnais.

Autre mesure d’allègement de la part du MSSS : accoucher à la maison est désormais permis partout au Québec. À certaines conditions, toutefois. La femme enceinte et ceux qui vivent avec elle doivent notamment s’isoler « autant que possible à partir de la 35e semaine de grossesse », indique le MSSS, dans une directive diffusée le 2 juin.

« L’accouchement à domicile était déjà possible durant la pandémie dans des endroits où il n’y avait pas de maison de naissance », précise la vice-présidente du regroupement Les sages-femmes du Québec, Josyane Giroux. Les femmes n’étaient donc pas contraintes d’accoucher dans un hôpital.

« Maintenant que c’est permis partout, il faut voir comment mettre ça en place, dit Josyane Giroux. Le temps de déploiement va être variable selon la réalité régionale et la contamination communautaire. Pour Montréal, on n’en est pas encore rendus là. »

Fanie Grégoire, elle, donnera naissance à son fils à l’hôpital. D’ici là, elle espère que les cours prénataux reprendront. Ceux de son CLSC ont été annulés. « Il n’y a même pas de cours prénataux en ligne, dit-elle. Je trouve ça aberrant. Je n’ai aucune idée comment accoucher, si ce n’est que de “respirer comme dans les films”. »

Son conjoint sera à ses côtés et pourra enfin voir leur fils pour une première fois.

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