Tout quitter pour gérer une clinique de dépistage

Ce texte fait partie du cahier spécial Services essentiels
Charles-Édouard Carrier écrit normalement dans ces pages et dans d’autres, en plus d’avoir cofondé le média de moto Oneland et coscénarisé la série télé Filles de moto. Mais ces temps-ci, vous ne risquez pas de le croiser dans un café branché plongé dans la rédaction, mais à la clinique de dépistage de la COVID-19 qu’il gère dans l’ancien centre de l’auto Sears de la Place Fleur de Lys, à Québec.
« Dans l’heure qui a suivi la mise en ligne du site jecontribuecovid19.gouv.qc.ca, j’ai rempli le formulaire et contacté l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec pour renouveler mon permis d’exercice », raconte-t-il, lors d’une de ses rares journées de congé.
Il y a cinq ans, Charles-Édouard a décidé de quitter sa profession d’infirmier clinicien et ses responsabilités de gestionnaire dans le réseau de la santé. « J’avais besoin d’air »,se souvient-il, parlant alors de la lourdeur de la bureaucratie. Mais il avait surtout envie de se consacrer à temps plein à l’écriture et ses divers projets déjà en branle. Écrivant déjà beaucoup, Charles-Édouard s’est donc tout naturellement tourné vers le journalisme.
Mais, avec l’éclatement de la pandémie, il ne s’est pas posé de questions. Il voulait participer à cet effort collectif. Comme il n’avait pas d’offre concrète après une semaine d’attente, il a contacté des amis gestionnaires dans le réseau pour offrir son aide. En moins de 24 heures, il a reçu un texto d’une ancienne collègue : « Les ressources humaines de mon CIUSSS vont t’appeler cet après-midi. Peux-tu commencer lundi ? »
Il a accepté sans savoir ce que serait sa mission.
C’est finalement comme chef de site dans cette clinique de dépistage à l’auto, avec une portion pour les piétons, qu’il a été appelé à servir. Drôle de coïncidence : son père a longtemps été directeur de ce magasin Sears, et il avait cherché par tous les moyens à faire quelque chose avec cet ancien centre de l’auto.
« Jamais mon père n’aurait imaginé le sort que réservait cette crise à cet espace, raconte Charles-Édouard. C’est incroyable de constater la créativité dont a fait preuve l’équipe de gestion pour transformer ce lieu en une clinique ultrafonctionnelle. »
Se reconnecter à l’humain
Les journées sont longues à la clinique de dépistage, avec des quarts de travail de 12 heures. Malgré cela, Charles-Édouard est heureux d’avoir accepté cette mission. Pourquoi ? « Pour me reconnecter à l’humain, dit-il. Celui que je trouve beau dans toute sa vulnérabilité, sa grandeur, ses différences et sa bonne volonté. »
Chaque jour, il rencontre des gens résilients, à l’écoute des conseils, même si c’est difficile pour eux. Il raconte cet après-midi gris et froid où deux professionnels de la santé se sont présentés à sa clinique pour faire le test. Comme ils présentaient des symptômes liés à la COVID-19, l’équipe a dû leur rappeler qu’ils devaient s’isoler le temps d’obtenir le résultat.
« On a vu apparaître dans leurs yeux tout le poids de leur travail, se souvient Charles-Édouard. Pris de panique, ils nous ont expliqué à quel point les besoins étaient grands dans leurs unités respectives, où ils devaient faire seuls le travail de trois ou quatre personnes, de soir, de nuit, de jour. Ils avaient l’impression d’abandonner les patients, les collègues, les familles. Ils nous ont dit à quel point il était difficile pour eux de rester à la maison, connaissant la situation sur le terrain. Même fatigués, malades, isolés de leurs proches, ils auraient continué à aider. »
Il y aura une fin
Lorsqu’on lui demande s’il a peur de tomber malade, Charles-Édouard répond par la négative. « Avec toutes les mesures mises en place pour protéger les équipes, je ne m’inquiète pas du tout, affirme-t-il. Je suis en première ligne de dépistage, je ne suis pas au front, contrairement à mes amis qui sont dans les CHSLD, aux soins intensifs, ou dans les urgences. »
Charles-Édouard a mis beaucoup de projets sur pause pour revenir dans le réseau de la santé en crise. Il est d’ailleurs dans les derniers milles de l’écriture d’un livre sur la moto qu’il coécrit, et dont la sortie en librairie est prévue cet automne.
« Ce retour dans le réseau de la santé me fait du bien parce que je sais qu’il y aura une fin, raconte-t-il. On ignore quand, mais il y en aura une. Mais autour de moi, il y a tous ces gens, des professionnels de la santé, pour qui c’est le quotidien. Après la crise, leur travail restera le même, leurs conditions aussi, sans doute. Ces gens-là ont choisi de garder en santé toute une population, peu importe les tempêtes. Moi, j’ai quitté le navire entre deux immenses vagues. Ce sont eux, les héros. »
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