Pourquoi la COVID-19 frappe-t-elle plus le Québec?
En temps de pandémie, quand on se compare, on se désole. Depuis plusieurs semaines, le Québec s’illustre dans le top 10 des États ou provinces d’Amérique du Nord où la COVID-19 fauche le plus grand nombre de vies, selon une compilation de données effectuée par Le Devoir. En neuvième position, la province se retrouve devant l’Illinois, mais également les autres provinces canadiennes, et derrière les États de New York, du New Jersey, du Connecticut, du Massachusetts et de la Louisiane, qui mènent le bal de cette tragédie avec des taux de décès variant de 116 morts (New York) à 37 morts (Louisiane) par 100 000 habitants. Le Québec a dépassé la vingtaine de décès par tranche de 100 000, mercredi. Mais qu’est-ce qui explique ce bilan, le plus élevé au Canada ? Éléments de réponses.
Le Québec a plus de personnes âgées en hébergement collectif
L’hécatombe est soutenue, mais elle est aussi localisée. Plus de 80 % des décès liés à la COVID-19 au Québec se sont produits dans des centres d’hébergement, des lieux davantage frappés par la maladie en raison autant de l’état de santé des personnes qui s’y trouvent que du confinement général qui prévaut en ces lieux.
Or, depuis 2011, le nombre de personnes vivant seules dans un logement collectif a bondi au Québec sous l’effet du vieillissement de la population, particulièrement chez les 70 ans et plus, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Rappelons qu’au Canada, il s’agit de la tranche d’âge la plus touchée par la maladie et par ses développements en cas sévères obligeant une hospitalisation et l’admission aux soins intensifs.
« Au-delà de l’âge de 70 ans, la proportion de personnes résidant en logement collectif est plus forte au Québec que dans n’importe quelle autre province canadienne », peut-on lire dans une analyse de l’institut datée de février 2018. Deux fois plus de personnes entre 75 et 84 ans vivent seules en résidence au Québec comparé au reste du Canada et même de l’Ontario, province où les conséquences létales de la COVID-19 sont moindres qu’au Québec.
Plus de 40 % des 85 ans et plus vivent dans un centre d’hébergement, privé et public au Québec, ce qui en fait le taux le plus élevé au pays, loin devant l’Alberta, l’Ontario ou la Colombie-Britannique.
Le Québec est un peu plus vieux
La COVID-19 ratisse large, mais avec une préférence pour les personnes âgées, affectant ainsi les sociétés vieillissantes plus que d’autres. Or, le Québec jouit d’une espérance de vie élevée, de 80,6 ans pour les hommes et de 84,5 ans pour les femmes, ce qui, dans les circonstances peut aggraver les conséquences létales de la maladie sur la population. Les personnes de 65 ans et plus représentent aussi 18,5 % de la population, contre 16 % en Ontario ou même 11,2 % dans l’État de Virginie aux États-Unis, qui a, en nombre, une population équivalente à celle du Québec. Là-bas, le coronavirus est responsable de 5,3 décès par 100 000 habitants. Contre 19,7 au Québec.
Ici, les 85 ans et plus forment 2,4 % de la population, soit à peine plus qu’en Colombie-Britannique (2,3 %) ou que l’État de New York (2,2 %). L’Alberta, touchée moins fortement par la COVID-19, a également une population plus jeune, composée de 12,2 % de 65 ans et plus et de 1,5 % de 85 ans et plus, selon les données de Statistique Canada.
Le Québec est plus urbain que rural
La COVID-19 fait forcément plus de morts où elle a le plus de facilité à se répandre, comme dans les villes qui se distinguent par leur concentration d’humains. Or, le Québec d’aujourd’hui est certainement plus urbain que celui d’hier, avec 71,5 % de la population qui vit désormais dans un environnement urbain. En comparaison, au Nouveau-Brunswick, où le coronavirus n'a fait aucune victime à ce jour, la population urbaine (49 %) y est toujours inférieure à celle des zones rurales (51 %). Dans les campagnes, la distanciation physique et le confinement font déjà partie du quotidien.
Ailleurs, l’État de New York, épicentre de la pandémie aux États-Unis, a une population rurale d’à peine 2 %. Le reste se trouve dans la mégalopole du même nom et dans des villes de plus 100 000 habitants, selon les récentes données du Nelson A. Rockefeller Institute of Government.
Au Canada, Montréal est également la deuxième ville la plus dense au pays, juste derrière Vancouver, avec 4916 habitants par kilomètre carré, ce qui densifie le « vivre-ensemble » tout comme la propagation d’une maladie virale.
Deux décès sur trois du coronavirus ont été enregistrés dans la grande région de Montréal. Plus peuplée, Toronto a toutefois une densité moindre de 4457 habitants par kilomètre carré, selon une récente étude de l’Institut Fraser.
Soulignons que la crise sanitaire aux États-Unis se joue à New York dans une des zones urbaines les plus densifiées : 10 194 humains s’y trouvent au km2, soit deux fois plus qu’à Montréal.
Le Québec est un peu plus connecté sur le monde
L’aéroport international de Frédéricton au Nouveau-Brunswick, province épargnée par la COVID-19 qui n’y a fait aucun décès, a été fréquenté l’an dernier par 424 000 passagers, soit 4 fois moins que ce qui est passé par l’aéroport de Montréal en janvier 2020 uniquement.
À travers le monde, parmi les régions les plus touchées par la pandémie, plusieurs se caractérisent par leur interconnexion au reste du monde, par l’entremise entre autres d’aéroports internationaux, portes d’entrée de nouvelles idées, de nouveaux visages, mais aussi de virus et maladies transmissibles.
Ainsi, selon les plus récentes données des autorités aéroportuaires de New York et du New Jersey, deux zones durement affectées par la pandémie aux États-Unis, 10,5 millions de personnes ont fréquenté les aéroports John F. Kennedy, LaGuardia ou Newark au premier mois de 2020, dont plus du tiers en provenance d’un pays étranger. À Montréal, c’est 1,6 million.
Au Canada, les aéroports de Toronto et de Vancouver sont également les plus actifs annuellement, avec un volume de 49 et 25 millions de passagers, contre 19 millions pour la métropole québécoise. Une performance qui aurait pu agir comme accélérant dans la prolifération du coronavirus.
Le Québec a une santé plus fragile face à certaines maladies
Ceci vient sans doute avec cela. Une population plus âgée est souvent plus malade et désormais plus sensible à la pandémie. La dernière mise à jour fédérale sur l’épidémie confirme que des problèmes de santé préexistants peuvent être responsables de l’aggravation des cas de contamination, citant entre autres parmi les plus importants les maladies cardiaques, les maladies respiratoires et le diabète, des maladies qui sont responsables en temps normal de plus décès au Québec, qu’ailleurs au Canada, selon les chiffres de 2018 de Statistique Canada.
Les maladies cardiaques y sont importantes au sein de la population puisqu’elles ont fait 147 décès par 100 000 habitants au Québec, cette année-là, soit 4 de plus qu’à l’échelle nationale et 11 de plus qu’en Ontario. Même chose pour les maladies respiratoires (38 morts/100 000 habitants au Québec contre 31 en Ontario). Seul le diabète tue moins au Québec. En 2018, la maladie a fait 13 morts par 100 000 habitants, contre 18 en moyenne au Canada.