Des données intéressantes, mais incomplètes
Quoiqu’instructifs, les scénarios présentés mardi laissent les experts consultés par Le Devoir sur leur faim. Ces derniers espèrent d’ailleurs que le gouvernement n’en est pas à sa dernière présentation du genre.
« Il y a certaines choses intéressantes dans la présentation », observe Cécile Tremblay, professeure à l’université et médecin microbiologiste et infectiologue au CHUM. « On prédit que le sommet de la courbe va arriver autour du 18 avril. C’est une information que beaucoup de gens attendaient pour pouvoir faire de la planification. » Mais attention, ajoute-t-elle. « Ça ne veut pas dire qu’il faut arrêter les mesures de sécurité au sommet de la courbe. La courbe peut prendre la forme d’un plateau, puis rester là pendant quelques semaines. »
L’autre information-clé concerne le système de soins : « On voit que, même dans le pire des scénarios, la capacité du système de santé est largement suffisante pour subvenir à tous les besoins. » Mais pour le reste, il manquait beaucoup de données, selon Mme Tremblay. « Ils nous ont montré la courbe de l’Italie et celle du Portugal, mais pas celle du Québec. » Comme les experts l’ont dit aux journalistes pendant la présentation technique à huis clos, le document est un outil de « gestion de risque » sur lequel le ministère de la Santé s’est basé pour évaluer les besoins à venir en matière de lits, de personnel, etc.
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La chercheuse s’attendait à trouver une véritable modélisation avec des informations sur la période d’incubation du coronavirus, par exemple. En conférence de presse, le bras droit du directeur de la Santé publique, Richard Masse, a dit que des « collègues experts en épidémiologie ont commencé à travailler » là-dessus, « mais n’ont pas fini ». Selon Cécile Tremblay, cela va « nous donner une estimation plus précise de là où on se situe entre les scénarios catastrophes et les scénarios optimistes ».
Pour qu’on fasse confiance à nos décideurs, on a besoin d’être traités comme des partenaires actifs
Plus de transparence
Pour Bryn Williams-Jones, de l’école de santé publique de l’Université de Montréal, il s’agit d’un bel effort, mais le gouvernement devra s’y prêter à nouveau. « C’est le genre de chose que j’attendais et je suis agréablement surpris », note le professeur titulaire des programmes de bioéthique, qui a beaucoup aimé le caractère « accessible » et pédagogique de la présentation.
Jusqu’à présent, M. Williams-Jones reprochait au gouvernement et à la Santé publique d’être trop « paternalistes » envers les Québécois dans leur refus de diffuser ces scénarios. « On aurait dû faire ça plus tôt, dit-il. Pour qu’on fasse confiance à nos décideurs, on a besoin d’être traités comme des partenaires actifs. »
À ses yeux, les autorités devraient faire d’autres présentations, plus techniques, et les mettre à jour. « Je pense qu’on a besoin de plus. […] Les gens ont soif de ce genre de prédictions, mais on n’est pas dupes. On comprend que ce sont des scénarios. On n’a pas besoin d’être statisticien pour comprendre des scénarios. »