La COVID-19 exacerbe l'anxiété et le stress des patients

Avec la crise actuelle, bien des Québécois vivent du stress et de l’anxiété. C’est d’autant plus vrai pour les gens ayant un trouble de santé mentale. Dans les hôpitaux, les effets de la distanciation sociale, et maintenant du confinement, commencent à se faire sentir, selon les psychiatres consultés par Le Devoir.
« Cette fin de semaine, on a eu un patient qui a eu un délire intense sur la COVID », dit le Dr Stéphane Proulx, qui pratique à l’urgence psychiatrique de l’Hôpital Notre-Dame à Montréal. Le malade, infecté au coronavirus, avait déjà été victime d’autres psychoses.
Traiter les patients représente un défi en cette période de confinement, selon la Dre Florence Chanut, psychiatre en clinique externe à l’Hôpital en santé mentale Albert-Prévost, à Montréal. Les consultations téléphoniques, encouragées par Québec pour éviter la propagation du virus, sont loin d’être idéales pour ceux souffrant de paranoïa, dit-elle.
« Il y a déjà parfois la radio et la télé qui leur parlent, explique la Dre Florence Chanut. Imaginez quand le téléphone, avec un numéro masqué, les appelle. Ils peuvent être sur leur garde. »
La psychiatre souhaite suivre à distance ses patients grâce à la télémédecine. Elle pourrait alors les voir et établir un meilleur lien thérapeutique lorsqu’il s’agit d’un premier rendez-vous, explique-t-elle.
Vendredi dernier, tous les médecins spécialistes du Québec ont reçu un lien pour s’inscrire à une plateforme de télémédecine en ligne. « Mais [pour y avoir recours], encore faut-il avoir une webcam et un micro à son ordinateur », dit la Dre Florence Chanut. Elle n’en a pas à son bureau.
C’est aussi le cas de la Dre Marie-Frédérique Allard, psychiatre à l’hôpital et au centre d’hébergement en santé mentale de la Mauricie et du Centre-du-Québec, situé à Shawinigan. « C’est un vieil hôpital, dit-elle. C’est plus compliqué. On est en train de s’organiser. »
Autre casse-tête : les droits de sortie des patients à l’extérieur de l’hôpital. « Il a fallu qu’on les coupe », dit la Dre Marie-Frédérique Allard.
Désormais, les patients ne peuvent plus aller fumer en groupe, mais à deux, sur le terrain de l’hôpital. Pour y aller, ils prennent l’ascenseur seuls ou avec un autre malade. « On a calculé que lorsqu’ils se mettent en diagonale dans l’ascenseur, ils sont à plus d’un mètre de distance », dit la Dre Marie-Frédérique Allard.
Pour réduire l’anxiété de ses patients, la Dre Karine J. Igartua, présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, leur prescrit désormais une « diète COVID médias » : lire les nouvelles le matin et regarder le point de presse du premier ministre, François Legault à 13h, s’ils y tiennent.
S’informer est important et bénéfique, dit-elle. Mais recevoir trop d’informations ne l’est pas. « Une quête continue peut devenir paralysante », souligne-t-elle.
La Dre Karine J. Igartua a préparé un guide afin d’aider ses patients à être en bonne santé mentale pendant la quarantaine. Les conseils qui y figurent, dit-elle, valent aussi pour la population en général. Parmi eux, prendre des marches, utiliser les escaliers de la maison pour faire de l’exercice, faire le ménage de son armoire à Tupperware et cesser de s’informer sur la COVID-19 sur des écrans une heure ou plus avant de se coucher.
« Il faut essayer d’avoir de l’empathie pour les proches qui vivent cette période difficilement, ajoute-t-elle. Tout le monde ne vit pas son stress au même niveau. »