L’OMS multiplie les bons mots envers la Chine

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a finalement déclaré l’épidémie causée par le coronavirus 2019-nCoV une urgence de santé publique de portée internationale. Il ne s’agit surtout pas d’un désaveu et d’un manque de confiance envers la Chine, a affirmé le directeur de l’OMS, dont la décision a été principalement motivée par sa crainte de voir le virus se propager dans des pays vulnérables ayant un système sanitaire plus faible et mal préparé à faire face au virus et à prévenir sa propagation.
Lors d’une conférence de presse hier soir à Genève, le Dr Jean Ross, président du comité d’urgence, a précisé que la décision de décréter une urgence de portée internationale découlait de plusieurs éléments, soit l’augmentation du nombre de cas en Chine et du nombre de pays touchés, ainsi que le fait que certains pays avaient adopté des « mesures douteuses » et que « des États vulnérables étaient mal préparés ».
Pour sa part, le directeur de l’OMS, qui s’est rendu en Chine, où il a rencontré le président et le personnel médical sur le terrain, a d’abord souligné les efforts extraordinaires que les autorités chinoises et leurs services sanitaires ont déployés non seulement dans le but de protéger leur population, mais également pour prévenir une propagation du virus à l’extérieur de la Chine. Il a félicité « le gouvernement chinois pour les mesures extraordinaires qu’il avait prises pour contenir la propagation en dépit des impacts économiques et sociaux de celles-ci ».
Il a rappelé la diligence avec laquelle la Chine a détecté l’éclosion, a identifié le virus et a partagé sa séquence génétique, ce qui a permis aux autres pays de mettre au point des tests diagnostiques. Il a également salué la « transparence des autorités chinoises » qui ont informé l’OMS de l’évolution de la situation et ont partagé avec elle les données et le matériel biologique.
« Je n’ai jamais vu une telle mobilisation. La Chine a pris des mesures sans précédent qui vont au-delà des attentes et des exigences », a-t-il déclaré, tout en se disant « convaincu que les Chinois réussiront à maîtriser l’éclosion ».
« Sans ces mesures extraordinaires, il y aurait eu beaucoup plus de cas à l’extérieur de la Chine et même des morts », a-t-il affirmé, tout en précisant qu’hier, le 30 janvier, on comptait 98 personnes infectées, mais aucun décès, dans 18 pays autres que la Chine, dont la majorité avait contracté le virus à Wuhan. Seulement huit avaient été contaminées par une personne hors de la Chine, soit en Allemagne, au Japon, au Vietnam et aux États-Unis.
Cette déclaration d’une urgence de portée internationale s’accompagne de recommandations à l’intention de tous les pays, notamment celles d’adopter des mesures qui sont fondées sur des données scientifiques et de « combattre la désinformation et les rumeurs », ainsi que celles d’apporter un soutien aux pays dont le système sanitaire est plus faible et d’« accélérer la mise au point de vaccins, de médicaments et de tests diagnostiques. L’OMS invite tous les pays à « partager leurs données, connaissances et expériences avec l’OMS et le reste du monde », et à « travailler dans un esprit de solidarité et de coopération ».
Par contre, l’OMS ne recommande aucune restriction sur les « déplacements de biens et de personnes » à destination et en provenance de la Chine. Elle s’oppose à toutes mesures radicales à l’encontre de la Chine et de ses ressortissants, comme notamment « la fermeture des frontières ou le refus d’accorder des visas », a précisé le Dr Ross en conférence de presse.
Jeudi, l’épidémie avait fait plus de 1200 contaminations supplémentaires dans la province de Hubei au cours des 24 dernières heures, portant le total à 10 000 cas confirmés et 213 morts en Chine continentale.
Au Canada, on ne compte que trois cas confirmés — deux en Ontario et un à Vancouver, et au Québec aucun cas probable ou confirmé. La directrice de la santé publique canadienne, la Dre Theresa Tam, a indiqué hier que le Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg procédait actuellement à une centaine de tests diagnostiques et que 58 d’entre eux se sont avérés négatifs jusqu’à maintenant.
Rapatriement toujours attendu
La ministre canadienne de la Santé, Patty Hajdu, a par ailleurs indiqué que 196 Canadiens ont maintenant demandé d’être rapatriés au Canada. La date de ce vol de retour au Canada n’a pas encore été fixée, ni le protocole qui serait imposé aux Canadiens, lequel pourrait comporter une mise en quarantaine au Canada, ou en Chine avant de partir.
Mme Hajdu a indiqué que certains pays s’étaient vu refuser par la Chine le droit de rapatrier des ressortissants qui étaient infectés par le coronavirus. Pour l’instant, rien n’indique que des ressortissants canadiens coincés dans la région de Wuhan sont atteints de la maladie.
Avec Marie Vastel et l’Agence France-Presse
Un décret qui ne change rien au Canada
Pour le Canada, la déclaration d’urgence internationale de l’OMS ne change rien. « Le risque demeure bas », a assuré la ministre fédérale de la Santé Patricia Hajdu, en expliquant que les voyages entre la Chine et le Canada ont été réduits et que le système de santé publique canadien parvient à isoler les cas d’infection présumés et à soigner les patients pour l’instant.
La déclaration d’urgence internationale de l’OMS ne change en outre rien aux mesures mises en place au pays ou plus précisément dans les aéroports canadiens, a précisé la ministre. « Nous sommes déjà conformes avec les recommandations, et même avec les nouvelles recommandations de l’OMS. […] Ces recommandations portent surtout sur la nécessité d’agir mondialement pour protéger la santé de tous les citoyens du monde en soutenant les pays plus vulnérables. » Le Canada fait déjà sa part, a fait valoir Mme Hajdu, puisque la directrice de la santé publique canadienne Dre Theresa Tam contribue aux travaux de l’OMS et que des chercheurs participent à la création d’un vaccin.
La ministre n’a pas précisé si les ressortissants canadiens rapatriés au pays seraient mis en quarantaine de retour au Canada ou avant de quitter la Chine. Le gouvernement en est encore à fixer ses protocoles.
Par ailleurs, conformément aux directives de l’OMS qui invitent les pays à fonder leurs mesures sur des données scientifiques, le Canada n’a pas l’intention de mettre en quarantaine les voyageurs en bonne santé qui arrivent de Chine. «On n’a aucune raison de le faire, car les données accumulées à ce jour indiquent que la transmission du virus nécessite un contact étroit avec un malade symptomatique, qui tousse, éternue et projette des gouttelettes infectées par le virus, a précisé en conférence de presse, hier, le Dr Howard Njoo, sous-administrateur en chef de la santé publique du Canada.