Obésité - Plus du tiers des enfants québécois ont un problème relié à leur poids

L'obésité ne cesse d'augmenter sur la planète. Non seulement les citoyens des pays bien nantis, comme les États-Unis, souffrent-ils d'un problème de surpoids, mais le phénomène se répand même dans les pays aux économies émergentes comme l'Inde et la Chine. Qu'en est-il de la situation au Québec?

Les plus récentes études établissent le taux d'obésité des Québécois de 20 ans et plus à 12,5 % de la population. Si l'on ajoute à ce nombre ceux qui souffrent d'embonpoint, le taux grimpe à 47 %. C'est un assez bon score qui classe le Québec, tout comme la Colombie-Britannique d'ailleurs, comme une des régions ayant un des plus bas taux d'obésité en Amérique

du Nord.

«Ce qui est alarmant au Québec, prévient Paul Boisvert, responsable des communications à la Chaire de recherche sur l'obésité de l'Université Laval, ce n'est pas le nombre absolu d'obèses, mais leur croissance. En 15 ans, le taux d'obésité a triplé.» Une autre tendance inquiétante est la croissance des problèmes de surpoids chez les enfants québécois, dont 10 % sont obèses et 27 % souffrent d'embonpoint.

L'obésité, c'est bien connu, entraîne une foule de problèmes médicaux, allant de l'hypertension au diabète de type 2 jusqu'aux pathologies cardiovasculaires. L'obésité est devenue un problème de santé publique. «L'obésité comme cause de mortalité est en train de rejoindre le

tabagisme.»

Calcul de masse

L'obésité et l'embonpoint se calculent grâce à l'indice de masse corporelle (IMC). La formule est simple: il suffit de diviser son poids par le carré de sa taille. Par exemple, pour un individu pesant 50 kilos et mesurant 1m50, la formule s'écrirait comme suit: 50 divisé par (1m50 x 1m50).

Au-delà de 25 kilos par m2, on souffre d'embonpoint, plus de 30 kilos, c'est l'obésité.

Titulaire de la Chaire de recherche en obésité de l'université Laval, Denis Richard distingue trois types d'obésité. Il y a d'abord l'obésité chez les enfants, à laquelle on doit s'attaquer dès maintenant parce qu'elle produira sans doute des adultes qui seront obèses. Il y a aussi l'obésité morbide — plus de 40 kilos d'IMC — pour laquelle la chirurgie demeure le seul traitement.

Mais il y a aussi l'obésité «à risques». Dans ce cas, la mesure IMC peut être trompeuse. «Ce n'est pas uniquement ici une question de surpoids, précise-t-il, mais de l'endroit où s'accumulent les graisses. Un tour de taille dépassant 90 centimètres indique que vous êtes "à risques".» C'est que l'obésité viscérale — plus fréquente chez les hommes, qui emmagasinent plus facilement les graisses dans l'abdomen — modifie l'activité métabolique, rendant ces personnes plus sujettes aux divers problèmes de santé liés à l'obésité.

Génétique et environnement

Les causes de l'obésité sont multiples et multifactorielles. Il y a des causes génétiques puisque certaines personnes sont plus disposées que d'autres à former des tissus adipeux. Récemment une équipe multidisciplinaire de l'Université Laval menée par Louis Pérusse a découvert le «gène de la faim». Les personnes qui ont ce gène éprouvent de la difficulté à reconnaître la satiété.

La sédentarité est aussi à blâmer. «Nous avons mis en place un environnement "obésogène", explique Lyne Mongeau de l'Institut national de santé publique du Québec. Tout est conçu de façon à ce que l'individu ait le moins d'efforts physiques à fournir.» Elle fait remarquer à ce sujet que les escaliers sont rarement visibles dans les halls d'entrée des édifices.

L'alimentation y est pour beaucoup. Les mauvaises habitudes alimentaires, les régimes alimentaires gras où règne la malbouffe, les portions géantes, tout ça contribue aussi à l'obésité. «Il y a aussi une question d'équilibre entre la prise et la perte d'énergie, précise Denis Richard. Nous continuons à avoir une alimentation dense en énergie malgré notre mode de vie sédentaire.»

L'accessibilité de la malbouffe, soutenue par la publicité, n'explique pas à elle seule les mauvaises habitudes alimentaires. Le rythme effréné de la vie moderne a aussi modifié les comportements alimentaires. Les gens mangent plus souvent à l'extérieur et ils cuisinent de moins en moins, comme en témoigne la popularité des plats préparés. «Les gens ont perdu une certaine culture alimentaire, précise Paul-Guy Duhamel, président de l'Ordre des diététistes et nutritionnistes du Québec. Ils doivent reprendre en main leur alimentation s'ils veulent exercer des choix éclairés.»

Les pistes de solution

Puisque plusieurs facteurs, tous reliés, sont la cause de l'obésité, l'on ne pourrait envisager une solution qui ne soit pas, elle-même, multisectorielle. Il y a d'abord le traitement des gens qui sont obèses. À ce sujet, les divers régimes amaigrissants connaissent des succès plutôt mitigés.

«Oui, les gens perdent du poids, explique Lyne Mongeau, mais ils le reprennent aussitôt le régime terminé. Sans compter que, pour plusieurs, cela est perçu comme un échec, ce qui nuit à l'estime de soi et peut même entraîner davantage de comportements alimentaires problématiques.»

Il existe sur le marché des médicaments, des coupe-faim, qui ont une certaine efficacité auprès des obèses «à risques», mais Denis Richard admet que la pharmacopée est plutôt mince. Une lueur d'espoir cependant existe puisqu'une récente étude menée par Jean-Pierre Després, de l'Université Laval, a démontré que le rimonabant permettait de perdre du poids et aussi d'abaisser le taux de cholestérol et de triglycérides dans le sang.

Responsabilité collective

Les campagnes d'éducation auprès de la population sont une solution mais, là aussi, l'action demeure limitée. «Informer, ce n'est pas changer les comportements», précise Paul Boisvert. Et c'est précisément ce qu'il faut faire. «Il faut poser le problème de l'obésité pas seulement de façon individuelle, mais aussi dans une perspective sociale, rajoute Lyne Mongeau. Il y a là une responsabilité collective.»

Paul-Guy Duhamel croit que le surpoids est souvent l'indication d'un problème: «Les problèmes de poids ne sont pas toujours le choix des individus.» À preuve, Lyne Mongeau donne en exemple l'obésité chez les enfants: «On ne peut pas toujours les blâmer puisque que c'est nous, les adultes, qui leur créons un environnement favorisant l'obésité.» De la même façon, l'environnement social et physique que notre société a mis en place contribue à l'accroissement de l'obésité.

Tous s'entendent pour dire que la lutte à l'obésité nécessite un effort concerté impliquant tous les intervenants. «Nous devons nous donner une politique nationale de lutte à l'obésité qui nous permettrait d'intervenir à tous les niveaux», soutient Paul-Guy Duhamel. Politique sur laquelle se pencherait présentement le ministre Couillard.

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