La peur des migrants sur le chemin de l’exil

Fuyant la pauvreté et l’insécurité comme des milliers d’autres de ses compatriotes, cette Hondurienne n’a pas voulu laisser son chien derrière elle. Après une pause à Huitxla, dans le sud du Mexique, ces migrants vont reprendre la route mercredi en espérant trouver asile aux États-Unis. Mais à Washington, le président Donald Trump tentait plutôt de tirer un avantage politique en prévision des élections de mi-mandat.
Photo: Johan Ordonez Agence France-Presse Fuyant la pauvreté et l’insécurité comme des milliers d’autres de ses compatriotes, cette Hondurienne n’a pas voulu laisser son chien derrière elle. Après une pause à Huitxla, dans le sud du Mexique, ces migrants vont reprendre la route mercredi en espérant trouver asile aux États-Unis. Mais à Washington, le président Donald Trump tentait plutôt de tirer un avantage politique en prévision des élections de mi-mandat.

Les images sont spectaculaires. Ils sont maintenant près de 7000 migrants d’Amérique centrale, fuyant la misère et les violences des gangs dans leur pays, à tenter d’atteindre la frontière américaine en quête d’une vie meilleure. Spontané, mais à la fois organisé, ce mouvement migratoire a été facilité par la médiatisation et les partages sur les réseaux sociaux, expliquent des experts.

Partie de San Pedro Sula, dans le nord du Honduras, le 13 octobre dernier, la « caravane » de migrants qui comptait à ses débuts quelque 1000 Honduriens a vu ses troupes se multiplier au fur et à mesure qu’elle parcourt les kilomètres qui la séparent des États-Unis. Au cours des derniers jours, les images diffusées en boucle montrant de milliers de migrants agglutinés au bord d’un pont qui relie le Guatemala et le Mexique ont marqué les esprits.

« L’effet médiatique, l’effet des réseaux sociaux, ça fait en sorte que le regroupement a connu rapidement une expansion », note Guillermo Candiz, chargé de cours au Département de géographie de l’Université Laval et coordonnateur de la Chaire de recherche du Canada sur les dynamiques migratoires mondiales.

Le rôle des passeurs, combiné à l’utilisation des réseaux sociaux, constitue un important facteur de cette mobilisation inédite, renchérit Micheline Labelle, professeure émérite au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal.

« Les passeurs et les réseaux sociaux diffusent beaucoup plus d’informations qu’auparavant. On peut se rappeler que c’est entre autres de cette façon que les migrants qui venaient d’Haïti, qui avaient un statut d’illégaux aux États-Unis, ont traversé les frontières canadiennes au cours des deux dernières années, car on retrouvait des informations sur le fait qu’au Canada on trouvait un accueil plus positif », mentionne Mme Labelle.

Quant aux motifs de cet exode, ils résident dans la volonté de fuir le climat d’insécurité quotidien qui menace la vie de milliers de migrants dans leur pays d’origine, souligne François Audet, de l’Institut d’études internationales de Montréal.

« Ce qui est exceptionnel, c’est que ce ne sont pas des migrants économiques. Ce sont des migrants dont la vie est en danger et, normalement, lorsque c’est pour des raisons de sécurité, on ne peut pas les refouler », souligne M. Audet.

D’ailleurs, si les images sont saisissantes, le phénomène n’est pas nouveau pour autant, rappelle Guillermo Candiz. « Lorsqu’on sait que, entre janvier et juillet [de cette année], il y a eu 31 000 migrants honduriens qui ont été arrêtés par les autorités migratoires mexicaines, on réalise que c’est un flux normal », fait-il valoir.

« Ce qui est spectaculaire, c’est de voir pour la première fois des gens marcher ensemble dans une migration qui est très dynamique. On voit des gens s’ajouter à la marche parce qu’en quelque sorte ils ont l’impression que ça devient plus sécuritaire. Certains y voient une occasion de traverser le territoire mexicain, alors que s’ils avaient été seuls, ils n’y seraient peut-être pas parvenus », ajoute M. Candiz.

Pause au Mexique

 

Après dix jours de marche et près de 800 km parcourus, des milliers de migrants se sont accordé une pause mardi après avoir trouvé refuge à Huitxla, dans le sud du Mexique.

Arrivés la veille, les migrants, parmi lesquels des femmes et des enfants en bas âge, ont trouvé refuge dans des églises ou ont dormi à même le sol dans un parc de la ville ou sur un terrain de sport.

Dans la matinée, des habitants de la localité leur ont offert du café chaud, fourni des couvertures, des couches pour bébés, tentant de soulager les marcheurs exténués.

 

« Ils vont se reposer toute la journée [mardi] et toute la nuit. Ils sont épuisés », a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Rodrigo Abeja, de Peuples sans frontières, une organisation non gouvernementale qui accompagne la « caravane ».

Les 3000 km qui les séparent de la frontière sud des États-Unis ne semblent pas décourager les migrants. Certains parviennent même à avancer un peu plus vite en montant sur des camions, des pick-up ou des motos.

Trump tempête

 

Le président Donald Trump s’est saisi de l’avancée du cortège de migrants qui tente d’atteindre la frontière des États-Unis pour replacer au coeur de la campagne des élections cruciales de mi-mandat le sujet brûlant de l’immigration et galvaniser sa base, prenant les démocrates en défaut.

« C’est un assaut contre notre pays, un assaut », a martelé le président Trump devant des partisans enthousiastes au Texas, État frontière avec le Mexique, reprenant avec engouement le sujet de l’immigration, qui avait figuré au coeur de sa campagne présidentielle victorieuse en 2016.

Dans deux semaines exactement, le 6 novembre, les Américains sont appelés à voter pour renouveler le Congrès, contrôlé par les républicains. Les démocrates ont de bonnes chances de reprendre la Chambre des représentants, mais la voie est plus compliquée pour qu’ils s’emparent du Sénat.

Et avec de nombreuses élections extrêmement serrées, tout peut faire basculer l’issue du scrutin.

« Pendant que nous parlons, le Parti démocrate encourage des millions d’étrangers illégaux à enfreindre nos lois, violer nos frontières et submerger notre pays », a accusé, sans fondement, le président américain. Il laisse notamment entendre que des clandestins pourraient voter illégalement.

Évoquant la menace terroriste, Donald Trump affirme en outre que des personnes originaires du Moyen-Orient se sont glissées dans cette « caravane », ainsi que des membres du gang salvadorien ultraviolent MS-13.

Un argument qu’il a encore repris mardi en présence de son vice-président, Mike Pence. Ce dernier a jugé « inconcevable » qu’il n’y ait pas des personnes originaires du Moyen-Orient « dans cette foule ».

M. Pence a également affirmé que le président hondurien, Juan Orlando Hernandez, lui avait dit que ce cortège de migrants était « organisé par des groupes de gauche au Honduras, financé par le Venezuela et envoyé vers le nord pour défier notre souveraineté ».

L’ex-député hondurien Bartolo Fuentes, du parti Liberté et refondation (formation politique de gauche), a expliqué à l’AFP avoir encouragé les migrants à se regrouper : « Je leur ai conseillé sur les réseaux sociaux de partir ensemble, car c’est moins dangereux. »

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