Que promettent les partis en santé?

Mesures disparates, les programmes des partis en santé, ou véritable vision pour l’avenir ? Des experts ont décortiqué leurs promesses, et voici le premier de quatre textes qui compareront les engagements des chefs.
Les plateformes en santé des quatre principaux partis font quasi l’unanimité chez la dizaine d’observateurs consultés par Le Devoir. Plusieurs mesures sont saluées, mais les propositions d’ensemble ne semblent pas à la hauteur des principaux défis actuels et à venir.
« Je dois avouer que je suis déçue. Je ne vois pas leur vision », lance, au fil de la discussion, la spécialiste en prévention et médecin Marie-France Raynault. « Les promesses des partis se ressemblent beaucoup : mettre plus de ressources dans le système, mais sans donner les objectifs. Qu’est-ce qu’on souhaite atteindre avec ça ? » renchérit Paul Lamarche, professeur honoraire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
L’ancien directeur au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) Marc-André Maranda, avec ses complices (la professeure Maria De Koninck et un autre retraité du réseau, Pierre Joubert), a fait parvenir une liste de priorités à tous les chefs de parti en début de campagne. Il déplore lui aussi des mesures « disparates » : « On ne voit pas le projet. Je trouve ça bien dommage. »
Plusieurs auraient aimé que la prévention occupe plus qu’une simple ligne dans les programmes — celui de Québec solidaire (QS) mettant un peu plus l’accent sur celle-ci. Marie-France Raynault se réjouit tout de même de trouver chez tous les partis des mesures visant les enfants, notamment en éducation, par exemple pour favoriser l’activité physique.
La crise invisible des infirmières
Le Parti libéral du Québec (PLQ) y est allé de quelques promesses à ce sujet vendredi. Mais dans l’ensemble, tous ignorent plus ou moins la crise des infirmières et des ressources humaines en général. Le PLQ a promis de donner suite aux projets « ratio » et d’embaucher du personnel, le Parti québécois (PQ), d’élargir les champs de compétence.
« Les infirmières ne se sentent pas incluses dans le débat », déplore Nathalie Stake-Doucet, administratrice à l’Association québécoise des infirmières et infirmiers. L’ex-commissaire à la santé et au bien-être Robert Salois dit qu’il « faut s’occuper du personnel, pas seulement des patients ». Il souhaite l’arrivée d’un ministre « à l’écoute ».
« La crise infirmière passe sous le radar », s’étonne Arnaud Duhoux. Le professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal n’arrive pas à expliquer le peu d’engagements pour affronter le « principal malaise du système ».
« Le réseau manque de préposés et d’infirmières. Même les postes affichés ne sont pas pourvus », rappelle la Dre Isabelle Leblanc, de Médecins québécois pour un régime public.
Louise Boivin constate aussi un silence sur « la privatisation » et « les conditions de travail et de salaire » en soutien à domicile et en résidence pour aînés et en CHSLD. « Pourtant, [ces enjeux] sont intrinsèquement liés à la qualité des services », rappelle la professeure au Département des relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais.
Avant de construire de nouvelles structures comme les « maisons des aînés » de la Coalition avenir Québec (CAQ), restons « au ras des pâquerettes », demande Paul G. Brunet, du Conseil pour la protection des malades. « Avoir du personnel, manger adéquatement, être amené aux toilettes : il faut se retrousser les manches sur des choses simples. »
L’argent des médecins spécialistes
Pendant ce temps, tout le monde, sauf le PLQ (qui ne veut surtout pas renier une entente signée il y a quelques mois à peine), promet de déchirer l’entente coûteuse avec les médecins spécialistes.
S’il se réjouit que la CAQ, QS et le PQ reconnaissent que cette entente leur enlève « toute marge de manoeuvre », le chercheur Damien Contandriopoulos les encourage à ne pas compter sur les milliards qu’ils y reluquent. « On présume que ça va se rendre devant les tribunaux. Penser avoir accès à ces sommes dans un premier mandat pour les redistribuer, c’est faire preuve de beaucoup d’optimisme », tranche le chercheur à l’Université de Victoria.
Il s’étonne que Philippe Couillard promette d’être encore plus ferme avec les médecins de famille, qui devront suivre plus de patients sous peine de sanctions. « Qu’est-ce qu’ils ont fait au bon Dieu pour que ce soit toujours leur faute ? demande-t-il. C’est une approche qui n’a manifestement pas fonctionné. » Par exemple, 205 postes de résidence en médecine de famille sont restés vacants entre 2015 et 2018.
« La même plateforme qu’en 2014, en pire ! » s’indigne d’ailleurs le Dr Simon-Pierre Landry, du Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée.
Principaux engagements des partis
FinancementCAQ Croissance des dépenses non dévoilée.
PLQ Croissance de 4,2 % par année, une hausse si l’économie le permet.
PQ Croissance des dépenses non dévoilée.
QS Croissance des dépenses non dévoilée, hausse importante des revenus de l’État prévue.
Médecins
CAQ Récupérer un milliard de dollars par année grâce à une rémunération moyenne des médecins spécialistes à 320 000 $.
PLQ Pas question de rouvrir l’entente avec les spécialistes. Le PLQ compte sanctionner les médecins de famille si nécessaire : on exige d’eux de suivre 90 % de la population d’ici 2022.
PQ Gel de salaire et revue du mode de rémunération des médecins.
QS Récupérer un milliard par année du côté des spécialistes. Le salariat serait aussi envisagé en établissement.
Aînés
CAQ Transformer une partie des CHSLD en maisons des aînés.
PLQ Augmenter de 200 millions par année le financement des soins à domicile et revoir les ratios en CHSLD.
PQ Promet 250 millions par année de plus en soins à domicile.
QS Le « soutien à domicile élargi » figure à sa plateforme, mais les mots « CHSLD » et aînés en sont absents.
Autres mesures
CAQ Dépister plus tôt les problèmes de développement chez les enfants.
PLQ Élargir la couverture de soins dentaires.
PQ Implanter un réseau de cliniques infirmières ouvertes les soirs et les fins de semaine.
QS Établir une assurance dentaire publique pour tous et instaurer Pharma Québec.
Une version précédente de cet article, qui indiquait que le projet Pharma-Québec de Québec solidaire était un projet de nationalisation du domaine du médicament, a été corrigée.