Frais accessoires: nouvelle querelle entre les médecins et la RAMQ

Les médecins ne peuvent plus réclamer de frais à leurs patients pour un billet d’absence, une copie de dossier, une copie de CD, un transfert de dossier ou encore le remplacement d’une ordonnance perdue.
Photo: Guillaume Souvant Agence France-Presse Les médecins ne peuvent plus réclamer de frais à leurs patients pour un billet d’absence, une copie de dossier, une copie de CD, un transfert de dossier ou encore le remplacement d’une ordonnance perdue.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) entame une bataille judiciaire contre la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui a récemment interdit à ses membres de facturer certains frais accessoires, dont les billets d’absence.

Les médecins ne peuvent plus réclamer de frais à leurs patients pour un billet d’absence, une copie de dossier, une copie de CD, un transfert de dossier ou encore le remplacement d’une ordonnance perdue. En toute discrétion, la RAMQ a même ajouté certains services à la liste de ceux qu’elle couvre, c’est-à-dire qu’ils sont désormais considérés comme des services requis au point de vue médical.

Selon la dernière grille tarifaire de la FMOQ, datée de décembre 2017, un patient devait débourser 25 $ pour obtenir un billet d’absence. La copie du dossier médical coûtait 10 $ pour la photocopie de la première page, puis 0,50 $ par page supplémentaire.

Or selon la FMOQ, ces services sont plutôt réalisés à des fins administratives et devraient pouvoir, à la discrétion du médecin, être facturés à ses patients.

La fédération, qui compte plus de 8000 membres, a décidé mercredi d’amorcer un bras de fer en se tournant vers les tribunaux. Elle a déposé une demande introductive d’instance en jugement déclaratoire à la Cour supérieure du Québec. Avec cette requête, la FMOQ demande à la Cour de trancher le différend d’interprétation quant à quatre catégories de frais (voir encadré).

« Au-delà de la somme d’argent [associée à chacun de ces services], c’est surtout une question de préciser ce qui est accessoire et ce qui ne l’est pas », soutient Louis Godin, président de la FMOQ.

La RAMQ n’a pas voulu se prononcer sur la situation. « La Régie ne commentera pas ce dossier tant qu’il est devant les tribunaux », indique Caroline Dupont, porte-parole de la RAMQ.

Divergence d’interprétation

Depuis janvier 2017, date d’entrée en vigueur du règlement interdisant de faire payer les patients pour les services assurés, la FMOQ et la RAMQ se sont rencontrées pour discuter de plusieurs services qui étaient jusque-là facturés.

« Malgré les nombreuses démarches et discussions, les parties ont atteint un point de rupture et ont des interprétations opposées de la réglementation quant à la nature des services, et par conséquent quant aux frais pouvant être facturés aux personnes assurées », peut-on lire dans le document.

La FMOQ estime que l’interprétation actuelle de la RAMQ place ses membres « dans une situation difficile face à leurs patients ».

« [Ils] ont le choix entre prendre eux-mêmes la décision de facturer le patient en s’exposant à des amendes et des pénalités ou suivre à la lettre l’interprétation faite par la RAMQ en se privant ainsi de revenus auxquels ils pourraient avoir droit », précise la requête.

Actuellement, déplore la Fédération, un médecin qui facture un client pour ce type de service s’expose à une amende de 5000 $ à 50 000 $ dans le cas d’une personne physique, et de 15 000 $ à 150 000 $ dans d’autres cas.

« Notre objectif, c’est de clarifier la situation. Actuellement, on ne s’entend pas. On ne peut pas laisser les médecins dans le doute et risquer qu’ils soient poursuivis », fait valoir M. Godin.

Médicalement nécessaire

 

Pour Stéphane Defoy, organisateur communautaire à la clinique de Pointe-Saint-Charles, la vision de ce qui est « médicalement nécessaire » doit être élargie.

« L’acte médical, ce n’est pas juste guérir le bobo. Si la personne a des problèmes de santé liés à son travail et qu’elle a besoin d’un billet pour justifier son absence, celui-ci fait partie de l’ensemble du soin dont elle a besoin », estime M. Defoy, qui a participé à l’implantation d’un registre de surveillance des frais accessoires.

D’ailleurs, la discrétion de la RAMQ sur l’étendue des services qu’elle assure l’a étonné.

« Il y a des patients qui ont sans doute eu des rendez-vous et qui ne sont même pas au courant que dans les faits, ils ne devraient plus être facturés pour un billet d’absence », note-t-il.

M. Defoy croit d’ailleurs que la bataille qu’entame la FMOQ contre la RAMQ est menée seulement dans l’intérêt des médecins omnipraticiens.

« La Fédération conteste la réintégration de ces services, mais ce n’est pas vraiment dans l’intérêt des patients, c’est parce qu’ils veulent pouvoir continuer à faire des gains supplémentaires », estime-t-il. 

Le litige

La Demande introductive d’instance en jugement déclaratoire vise à faire trancher un différend d’interprétation entre la FMOQ et la RAMQ quant aux frais pouvant être facturés par les médecins aux personnes assurées pour :

Le remplissage des formulaires relatifs à la mesure de médicaments d’exception et à celle du patient d’exception;

La rédaction d’un rapport, d’une recommandation, d’un billet d’absence ou autre type d’attestation pour la remise à un tiers à des fins administratives;

La copie d’un dossier médical, la copie d’images sur un support numérique, la rédaction d’un résumé, la photocopie, la télécopie et le transfert d’un dossier lorsque requise à la suite d’une situation créée par la personne assurée;

Le remplacement d’une ordonnance perdue.


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