Boom des médicaments frauduleux

Les Canadiens peuvent en effet être victimes de médicaments trafiqués non seulement sur Internet, mais également dans les pharmacies ayant pignon sur rue.
Photo: Getty Images Les Canadiens peuvent en effet être victimes de médicaments trafiqués non seulement sur Internet, mais également dans les pharmacies ayant pignon sur rue.

La contrefaçon de médicaments est un problème mondial en pleine croissance. Et le Canada n’y échappe pas.

Les Canadiens peuvent en effet être victimes de médicaments trafiqués non seulement sur Internet, mais également dans les pharmacies ayant pignon sur rue.

 

Les pénuries de médicaments survenues au cours des dernières années, les réglementations déficientes et les sanctions peu dissuasivescontre les fraudeurs ont contribuéà l’essor de ce phénomène, souligne une étude publiée jeudi par l’Institut Fraser de recherche en politique publique.

L’introduction de médicaments contrefaits dans les pharmacies survient le plus souvent lors d’une pénurie de médicaments alors que les professionnels de la santé, les hôpitaux et les cliniques commencent à chercher le médicament qui leur manque hors de la chaîne d’approvisionnement traditionnelle, affirme l’auteure de l’étude, Kristina Acri, professeure d’économie au Colorado College.

Néanmoins, « des médicaments contrefaits ont été très rarement retrouvés dans des pharmacies », rassure Mme Acri.

La professeur cite le cas d’une pharmacie accréditée qui, en 2015, a vendu une version trafiquée du Norvasc, un médicament contre l’hypertension qui a entraîné onze décès.

Faux comprimés

 

La chercheuse rappelle qu’aucun type de médicament n’échappe à la contrefaçon, qui touche autant les médicaments brevetés, génériques, sans ordonnance que les remèdes à base de plantes.

« Au Canada, le problème se situe davantage au niveau de la distribution que de la production de ces médicaments contrefaits. La fabrication de ces médicaments se fait vraisemblablement à l’extérieur du Canada », précise Mme Acri avant d’ajouter que, actuellement, la principale drogue contrefaite qui est en circulation au Canada est le fentanyl.

« En 2012, le gouvernement du Canada a retiré l’ordonnance de l’opioïde OxyContin du marché légal. Plusieurs personnes ont alors commencé à chercher cette drogue à l’extérieur de la chaîne d’approvisionnement légale. Les fraudeurs en ont profité et ont commencé à contrefaire des comprimés d’OxyContin en utilisant du fentanyl. Conséquemment, il y a eu plus de 1000 décès reliés à ces faux comprimés d’OxyContin contenant des doses létales de fentanyl au Canada au cours des sept dernières années », souligne l’économiste.

« Les contrefacteurs sont très habiles pour falsifier les produits qu’ils imitent. La plupart du temps, les consommateurs ne savent pas qu’ils ont reçu une version contrefaite. Même si leurs symptômes ne disparaissent pas immédiatement ou s’ils éprouvent des effets secondaires, ils ne l’imputeront pas au fait qu’ils ont peut-être consommé un médicament contrefait, ils penseront plutôt avoir besoin d’un autre type de traitement.

« Il y a donc des raisons de croire que le nombre d’épisodes [impliquant un médicament trafiqué] est largement sous-estimé », affirme Mme Acri.

Faibles sanctions

 

Néanmoins, compte tenu de la valeur des médicaments qui ont été saisis dans des colis au Canada, en 2016, on estime que le marché des médicaments contrefaits y atteindrait la somme annuelle de 85 millions de dollars.

Plusieurs facteurs facilitent l’introduction de médicaments contrefaits au Canada. « Les sanctions contre les contrefacteurs sont trop faibles et Santé Canada ne réglemente pas suffisamment les médicaments fabriqués dans d’autres pays, estime-t-elle.

« Santé Canada dit sécuriser la chaîne d’approvisionnement et les médicaments prescrits aux patients en établissant des ententes de reconnaissance mutuelle de bonnes pratiques de fabrication avec les pays fournisseurs. Mais 25 % des médicaments provenant de l’étranger qui sont vendus au Canada ont été fabriqués dans des pays avec lesquels le Canada n’a pas signé une telle entente, et Santé Canada ne soumet pas ces médicaments à de plus amples analyses. »

Conséquences

 

Si les comprimés contrefaits ne renferment pas l’ingrédient actif, ou une dose insuffisante de celui-ci, le traitement sera inefficace et la maladie se prolongera plus longtemps que prévu.

Le pire scénario est celui où les médicaments trafiqués incluent des ingrédients nocifs, voire toxiques, qui peuvent induire la mort du patient.

 

« Les médicaments contrefaits entraînent souvent un traitement inadéquat de la maladie et peuvent, par exemple, aboutir à des infections résistantes à tous les antibiotiques dont nous disposons », souligne la chercheuse avant d’ajouter qu’outre les patients, le système de soins de santé et l’industrie pharmaceutique pâtissent aussi du commerce des médicaments contrefaits.

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