Un entretien avec Laurence Jalbert - Quatre octaves de feu

Pour la saison estivale, notre chroniqueuse Carole Vallières a concocté une série spéciale sur la santé telle que pensée et pratiquée par des artistes de chez nous. Un rendez-vous sans prétention, où seront abordés les petits et grands ennuis de santé de certains d'entre eux, ainsi que les solutions qu'ils ont trouvées pour y remédier. Se succéderont, en juillet et août, neuf invités. Cette semaine, la fougueuse Laurence Jalbert.
La tignasse rousse au vent, Laurence Jalbert arrive en parlant, le cellulaire vissé à l'oreille, le sac suspendu au dos. «Je marche une heure et demie chaque jour, parce que les shows me demandent beaucoup. Je règle mes affaires en marchant. Et j'ai mes trucs!» Elle me montre une bouteille d'eau... verdâtre? «J'appelle ça mon pipi de Brad Pitt! C'est mon hydratant, que j'achète dans un magasin de produits naturels. Pour la gorge, ça adoucit, c'est quasi miraculeux.»- Vous, les chanteuses à voix, vos cordes vocales, c'est une obsession...
- Je ne chante jamais sans me réchauffer. J'ai quatre octaves de registre, je les entretiens, et plus je vieillis, plus je suis fière de les garder. J'ai des tisanes expressément pour la voix, j'ai des huiles essentielles, je passe des examens une fois par année. Ça fait 25 ans que je chante professionnellement, et ceux qui me connaissent savent que je ne me ménage pas en spectacle. Mais je me réchauffe. Notre voix baisse en vieillissant, et moi, j'ai eu des problèmes de thyroïde, donc problème hormonal. La voix a changé pendant un an et demi, le temps que j'obtienne la bonne dose de synthroïde, qui est la remplaçante de ma glande — et je les ai trouvées longues, ces minutes-là! Ma voix, je dirais que c'est ma plus grande amie et aussi ma pire ennemie. Je l'engueule, des fois!
J'adore donner des shows, c'est le seul endroit... j'arrive sur scène et je sens comme si... j'ai deux places exprès pour mes pieds là-dedans. Je n'ai tellement pas peur de la scène, je fais juste prendre l'air, le ramener, le repousser, je suis assez bien, je suis possédée par quelque chose, un bien-être, quelque chose de sain. Ah! je suis tellement bien! J'arrive à toucher l'absolu, c'est au delà de ce qu'on peut raconter avec des mots. Ce degré de sérénité-là, de paix. Mais je ne peux plus dormir après les shows!
- Comme rockeuse, tu es plongée dans le mythe sex, drugs and rock'n'roll. Le rock est un mythe anti-santé, la défonce, les expériences...
- Je la vis, cette vie-là, c'est vrai. Je suis une excessive en tout, et là-dedans aussi. La drogue, j'ai arrêté quand je suis tombée enceinte... Les hommes qui sont dans ce mythe-là ne font pas attention à leur santé. Moi, avant de partir sur la galère, je regarde mon horaire! Mais une gang de musiciens ensemble, c'est du fun noir. J'ai besoin de cette sorte d'évasion-là. On atteint un seuil où tout est drôle, on s'abandonne, on se couche à 7h le matin. J'ai besoin de rire. Mais si je prends un verre et que je sens que je commence à dépasser les bornes, j'arrête, je passe à l'eau minérale. C'est ça, avoir une vie équilibrée! C'est pas manger du tofu et des radis tous les jours! Je prends tous les moyens pour rire d'un côté, et de l'autre côté... j'ai les pieds sur terre. Mais j'ai constaté que les périodes où je ne riais plus, je tombais malade. Et je pense qu'il faut provoquer des occasions où on va avoir du plaisir.
- Alors, notre façon d'être ou de penser a un impact sur notre santé?
- Je me suis sortie deux fois de maladies graves, et je suis certaine que c'est à cause de ma volonté. J'étais adolescente, et je testais les pouvoirs de ma volonté sur différents événements de ma vie. Quand je me suis retrouvée avec la bactérie mangeuse de chair, en 1996, j'étais à Gaspé... Le médecin m'a dit: "Habituellement, c'est fatal." Je n'avais même pas peur. La seule peur que j'ai dans la vie, c'est qu'il arrive quelque chose à mes enfants. Je n'ai pas peur de mourir, je n'ai pas peur pour moi. Après l'épisode de la bactérie, j'ai eu une période de colère. J'étais en chaise roulante, je souffrais beaucoup, et je me suis dit: "Je pense que je ne méritais pas ça." La première année qui a suivi, à la moindre douleur, je me disais: "Oh! mon Dieu, il peut encore m'arriver autre chose." C'est un traumatisme, comme un accident de voiture. Puis, je suis passée à autre chose. Je suis quasiment trop platement positive.
Pourtant, j'ai toujours eu une santé fragile. Petite fille à l'école, je faisais de l'anémie, je perdais connaissance pour rien. J'ai eu à m'en remettre à la médecine, ç'a assez bien fonctionné. Pour ce qui est des émotions, des problèmes d'angoisse ou d'anxiété que j'avais, l'artiste que j'ai toujours été, ç'a moins bien fonctionné avec la médecine traditionnelle. Les médicaments genre anti-anxiété, je ne crois pas à ça, je vais beaucoup plus vers l'homéopathie, la naturopathie. Mon médecin est une femme, une artiste qui est aussi naturopathe et homéopathe, et je dirais que depuis que je l'ai rencontrée, ça va mieux, parce que je ne suis jamais à court de moyens. C'est rare, avoir le meilleur des deux mondes! Mais tout ce qui tourne autour du SPM, de l'ovulation... toute ma vie, j'en ai arraché avec ça. Je trouve des moyens, l'huile d'onagre, l'homéopathie, ça fonctionne plus ou moins... J'appelle ça mes jours minés. Ça m'épuise. Je peux être arrogante et agressive... Même ma peau n'est pas pareille: si je fais une télé tard le soir, ma peau n'absorbe pas le maquillage... J'ai appris à faire ma vie en fonctionnant avec tous ces symptômes-là, pis à essayer encore une fois de me parler. On est-tu assez forte rien qu'un peu! Bigras me disait tout le temps: "T'es l'être le plus vivant que j'aie jamais connu."
- Qu'est-ce que ça veut dire?
- Je suis toujours assise sur une bombe. Mais une belle bombe.
- De l'énergie?
- Oui. C'est même pas des efforts pour moi. Je suis comme ça.
- Le site de Laurence Jalbert: http://www.laurencejalbert.com
- Pour en savoir plus sur la glande thyroïde: http://www.thyroid.ca/Depliant/CP01.html
La semaine prochaine: Marc Favreau, le sol ferme
Un dossier rassemblant les textes de cette série est en ligne sur notre site Internet: www.ledevoir.com (voir «Médecine des arts» à l'onglet Dossiers).