La crise des opioïdes s’aggrave au Canada

Le Québec est encore absent du portrait national de la crise des opioïdes. Les données du reste du Canada montrent pourtant que la crise s’aggrave.
Plus de 4000 personnes pourraient avoir perdu la vie en 2017 à la suite d’une surdose d’opioïdes, si la tendance se maintient. Le bilan de cette année dépassera ainsi celui de 2016, revu à la hausse à 2861 décès, indique un nouveau rapport de l’Agence de la santé publique du Canada publié lundi.
Au moins 1460 personnes sont décédées durant le premier semestre de 2017. Un nombre qui devrait « augmenter à mesure que d’autres données seront obtenues » de chacune des provinces, écrit le Comité consultatif spécial sur l’épidémie de surdoses d’opioïdes en décembre 2016.
Parmi tous les opioïdes, c’est le fentanyl, et de ses dérivés, qui font le plus de ravages : il est en cause dans les trois quarts des décès.
La Colombie-Britannique demeure la province la plus touchée, avec 985 surdoses déclarées entre janvier et juin. Le rapport avertit cependant que ce chiffre comprend tous « les décès non intentionnels qui sont liés à toutes les drogues illicites », et non pas seulement liés aux opioïdes. L’Ontario et l’Alberta, avec respectivement 867 et 611 décès, viennent tout juste derrière.
« Nous faisons face à une double crise, celle engendrée par les morts dues aux drogues prescrites et celles dues aux drogues de rue », avait indiqué en septembre le Dr Robert Strang, lors de la dernière mise à jour.
Absence
Impossible toutefois d’obtenir le bilan québécois de ce premier semestre de 2017. Ce n’est qu’en août dernier que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a révélé qu’au moins 140 personnes sont mortes d’une surdose en 2016.
Le Québec ne présente que les cas « confirmés », indique-t-on au bilan national. Les autres provinces rapportent en effet des données susceptibles de changer après les enquêtes de coroners.
Il n’existe pas dans la province un système de compilation de ces données en temps réel, « qui serait très utile pour planifier les services », affirme le Dr David Barbeau. « On se prépare à la crise, mais sans en connaître l’ampleur. C’est un peu à l’aveugle », dit-il.
Directeur d’un programme pionnier dans le traitement de la dépendance aux opioïdes (CRAN) au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, il atteste que des patients meurent de surdose presque chaque semaine.
Sa pratique de première ligne ne lui permet cependant pas de confirmer qu’il y a eu une augmentation en 2017 au Québec, ses estimations étant concentrées sur le territoire desservi.
Au moins 12 personnes sont mortes à Montréal au mois d’août dernier des suites d’une intoxication aiguë aux opioïdes. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, avait annoncé deux semaines plus tard que la naloxone serait disponible gratuitement en pharmacie.
Ce médicament, qui sert à renverser les effets d’une surdose, est donc accessible depuis le 10 novembre dernier. Plusieurs des patients du Dr Barbeau ont été formés pour administrer la naloxone, et sont ainsi en mesure d’intervenir auprès d’autres usagers plus difficiles à rejoindre. Ce « réseau de vigilance informel fonctionne », assure M. Barbeau, content de ce premier pas.
En août, son équipe a été appelée à quantifier pour Québec les besoins du programme CRAN afin de mieux répondre à la crise. Il déplore n’avoir obtenu aucune réponse quatre mois plus tard. « Nous ne répondons qu’à 40 % des besoins, alors que les meilleurs pays réussissent à aller chercher 70 à 80 %, ce qui démontre un déficit dans notre offre de service », conclut-il.