Les infirmières praticiennes spécialisées demandent un rôle accru

Les infirmières praticiennes spécialisées réclament de pouvoir diriger un patient vers un médecin spécialiste sans passer par le médecin partenaire, affirmant que «cela génère des consultations et des délais d’attente non essentiels».
Photo: Joe Raedle / Getty Images / Agence France-Presse Les infirmières praticiennes spécialisées réclament de pouvoir diriger un patient vers un médecin spécialiste sans passer par le médecin partenaire, affirmant que «cela génère des consultations et des délais d’attente non essentiels».

Les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) espèrent profiter de la révision du règlement qui définit leur rôle pour gagner en responsabilité et en autonomie. Dans un mémoire présenté récemment à l’Office des professions, elles recommandent notamment de pouvoir poser des diagnostics pour les maladies chroniques courantes et d’inscrire des patients à leur nom.

Depuis leur arrivée dans le système de santé québécois, il y a un peu plus de dix ans, les infirmières praticiennes spécialisées ont le droit d’accomplir un certain nombre de gestes autrefois réservés aux médecins. Elles évaluent des patients, prescrivent et interprètent des examens diagnostiques et peuvent prescrire des traitements et certains médicaments.

Mais elles doivent consulter leur « médecin partenaire » avant de poser un diagnostic et d’amorcer un traitement pour des maladies chroniques courantes telles que le diabète, l’hypertension, l’asthme ou l’ostéoporose, ce qui constitue, selon elles, un « frein de taille » à l’accès au système de santé.

« Plutôt que de consulter leurs médecins partenaires sur les sujets dépassant les limites de leur expertise, les IPS du Québec se trouvent contraintes de s’y référer pour des tâches qui font partie intégrante de leur formation et de leurs compétences », écrit l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ) dans un mémoire dont Le Devoir a obtenu copie.

« La situation entraîne d’importants désagréments pour les patients qui doivent constamment attendre que l’IPS ait pu discuter avec le médecin ou obtenir un deuxième rendez-vous avec ce dernier avant d’amorcer un traitement pour lequel l’IPS est pourtant qualifiée. Cela allonge les délais d’attente pour les patients, qui risquent entre-temps de voir leur état de santé se détériorer. »

Une solution alternative

 

À défaut d’acquérir l’autonomie nécessaire pour poser des diagnostics pour les maladies chroniques courantes et amorcer le plan de traitement associé, l’AIPSQ propose une « solution alternative » qui consisterait à permettre aux IPS de le faire et « d’en aviser le médecin partenaire dans un délai raisonnable ».

Elles réclament également de pouvoir diriger un patient vers un médecin spécialiste sans passer par le médecin partenaire, affirmant, encore une fois, que « cela génère des consultations et des délais d’attente non essentiels ».

« Les IPS sont les mieux placées pour diriger, au besoin, les patients dont elles ont la charge puisque ce sont elles qui connaissent le mieux leur condition de santé. Or, compte tenu du cadre réglementaire actuel, l’IPS demande l’autorisation, remplit le formulaire, échange avec le médecin partenaire pour obtenir son approbation, mais dirige ensuite vers les médecins spécialistes au nom du médecin partenaire. Par conséquent, c’est ce dernier qui reçoit les rapports des spécialistes. Ce faisant, l’IPS perd la trace de certains dossiers de ses patients, ce qui, encore une fois, représente un risque de préjudice pour les patients. »

L’AIPSQ aimerait enfin que les infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne (IPSPL) puissent inscrire des patients à leur nom « afin que tous les Québécois aient un médecin ou une IPSPL de famille ».

Les IPSPL soutiennent qu’elles « assument entièrement la prise en charge de leur clientèle dans la majorité des cas ». L’association se demande pourquoi, alors, « des patients sont catégorisés sans médecin de famille, même si une prise en charge est effectuée par une IPS en soin de première ligne ».

Décalage

 

Se comparant aux IPS de l’Ontario et des autres provinces, l’Association des infirmières praticiennes spécialisées prétend qu’il y a une « asymétrie dans les privilèges de pratique octroyés aux IPS ». Elle parle même d’un « décalage unique en Amérique du Nord ».

« Paradoxalement, poursuit l’AIPSQ, les IPS du Québec reçoivent la formation la plus poussée au Canada. » Elles sont aujourd’hui plus de 650, en comptant celles qui s’apprêtent à terminer leurs examens.

L’association espère que ces recommandations seront entendues et qu’elles teinteront le nouveau règlement sur les IPS, qui devait être mis à jour en raison de plusieurs détails techniques. L’Ordre des infirmières et le Collège des médecins négocient actuellement pour écrire le futur règlement qui devra par la suite être approuvé par Québec.

Les infirmières praticiennes spécialisées seront directement touchées par le nouveau règlement. Mais elles ne sont pas les seules à avoir voix au chapitre. Les comités d’usagers, instances syndicales, associations représentant les malades atteints de maladies chroniques et bien d’autres encore ont envoyé, eux aussi, leurs recommandations. Et il ne faut pas oublier que, depuis des années, les représentants des infirmières et des médecins se livrent à une lutte de pouvoir sur ces sujets.

« On a des craintes, on pense que les éléments que nous avons mentionnés dans le mémoire ne seront pas acquis avec ce nouveau règlement, affirme la présidente de l’Association des infirmières praticiennes spécialistes du Québec, Christine Laliberté, en entrevue au Devoir. Dans les lignes directrices qui nous ont été transmises, il y a des choses qui ne vont pas dans le sens qu’on souhaiterait. Mais les négociations ne sont pas terminées, on a encore de l’espoir… »

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