Des travailleurs de la santé de plus en plus épuisés et démotivés

Claude Lafleur Collaboration spéciale
Tout le monde dans le réseau de la santé est épuisé et démotivé en raison des changements draconiens apportés par le ministre de la Santé, assure Jean Lacharité, vice-président de la CSN et responsable du dossier de la santé et des services sociaux.
Photo: iStock Tout le monde dans le réseau de la santé est épuisé et démotivé en raison des changements draconiens apportés par le ministre de la Santé, assure Jean Lacharité, vice-président de la CSN et responsable du dossier de la santé et des services sociaux.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé

Jamais on n’a observé une telle détérioration des conditions de travail dans le secteur de la santé. Jamais on n’a vu autant d’infirmières, de personnel de soutien, de personnel de bureau et de professionnels aussi insatisfaits de leur travail. Et jamais on n’a senti autant de détresse, non seulement chez ces travailleurs, mais également de la part des cadres. Voilà ce que constate sur le terrain Jean Lacharité, vice-président de la CSN et responsable du dossier de la santé et des services sociaux.

« Ces derniers mois, je me suis beaucoup, beaucoup promené sur le terrain, dit-il, où on observe un épuisement du personnel comme jamais auparavant. » Tout le monde dans le réseau de la santé est épuisé et démotivé, dit-il, en raison des changements draconiens apportés par le ministre de la Santé.

Rappelons que la loi 10, première réforme présentée par le ministre Gaétan Barrette, a ainsi imposé le regroupement des différents types d’établissements du réseau de la santé — hôpitaux, CLSC, CHSLD, centres jeunesse, instituts spécialisés, etc. — au sein de vastes structures régionales appelées CISSS et CIUSSS — les centres intégrés (universitaires) de santé et de services sociaux. « On ne s’y retrouve tout simplement plus », constate le représentant syndical.

Par conséquent, nombreux sont ceux qui se sentent insatisfaits par la qualité du travail qu’ils rendent. « Tout le monde a l’impression de n’être jamais en mesure de livrer la qualité du service qu’il désire rendre », résume M. Lacharité.

L’un des problèmes, poursuit-il, vient de la surcharge de travail. « Imaginez-vous, par exemple, les préposés aux bénéficiaires qui ont chacun 21 patients dont ils doivent s’occuper, dit M. Lacharité. Comment voulez-vous qu’une personne puisse s’occuper de 21 patients. Ça n’a pas de maudit bon sens ! » s’exclame-t-il.

« Et je constate que c’est la même chose pour les cadres qui, eux, doivent courir d’un établissement à l’autre. »

Qui plus est, cet épuisement généralisé s’accentuerait par le fait que le ministre de la Santé s’emploie à transférer des ressources du secteur public vers le privé, rapporte le vice-président de la CSN. Par exemple, dit-il, un certain nombre de professionnels qui oeuvrent au sein des CLSC sont maintenant transférés vers des groupes de médecine familiale, sans qu’on les remplace. « Le Dr Barrette a même comme projet de fournir des ressources du secteur public aux supercliniques et payées à même les budgets des CISSS, ajoute Jean Lacharité. Il subventionnera donc des groupes de médecins qui s’organisent sur une base privée en pillant les ressources du public ! »

Soins à domicile : une catastrophe

Jean Lacharité dénonce aussi le fait que le ministre Barrette préconise un virage vers les soins et le soutien à domicile sans pour autant attribuer les ressources nécessaires.

C’est même tout le contraire, affirme-t-il, puisque bien souvent les auxiliaires en santé et services sociaux (ASSS) — qui sont les préposés qui prodiguent les soins personnels et d’hygiène aux personnes à domicile — ne sont pas remplacés lorsqu’ils prennent leur retraite.

Les CISSS seraient même sur le point de confier ces soins à des entreprises privées, soutient le représentant syndical. Ils procèdent à des appels d’offres destinés à des entreprises privées pour assurer les soins à domicile, affirme-t-il.

« On est en train de privatiser un autre volet des services de santé », fait valoir Jean Lacharité. Selon lui, c’est catastrophique puisque, au privé, les conditions de travail sont déplorables et les salaires avoisinent le salaire minimum. Résultat : on observe un taux de roulement du personnel extrêmement élevé.

« Or, on parle ici de soins intimes et de rapports de dignité, souligne M. Lacharité. Songeons-y : il s’agit souvent de personnes âgées qui se font donner un bain par des préposés… qui changent constamment. »

De plus, l’un des avantages du rôle des ASSS est qu’ils sont rattachés au CLSC, fait valoir M. Lacharité. « Ils font partie des équipes multidisciplinaires, dit-il. Ainsi, lorsqu’ils observent une perte d’autonomie chez une personne âgée, ils le signalent à l’équipe multidisciplinaire. Par la suite, les professionnels peuvent intervenir beaucoup plus rapidement. Mais il n’y a pas de lien entre les travailleurs du privé et l’équipe multidisciplinaire… Une vraie catastrophe ! »

Tout le monde est donc pénalisé — le personnel en santé comme les personnes qui ont besoin de soins, déplore Jean Lacharité. « Et au bout du compte, ça coûtera plus cher au gouvernement ! »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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