La banque Signature commence à révéler ses secrets

Des chercheurs ont présenté les premiers résultats qu’ils ont obtenus à partir des données uniques au monde de cette banque spécialisée en santé mentale.
Photo: iStock Des chercheurs ont présenté les premiers résultats qu’ils ont obtenus à partir des données uniques au monde de cette banque spécialisée en santé mentale.

La banque Signature, qui comprend des données médicales et psychosociales ainsi que du matériel biologique de personnes souffrant d’un problème de santé mentale, commence à porter ses fruits. Dans le cadre du congrès de l’Acfas qui se déroule à l’Université McGill, des chercheurs ont présenté les premiers résultats qu’ils ont obtenus à partir des données, uniques au monde, de cette banque.

Depuis novembre 2013, les personnes qui arrivent en crise à l’urgence psychiatrique de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM) sont invitées à donner un échantillon de leur sang, de leurs cheveux et de leur salive dans le but de recueillir des données génétiques, métaboliques, hormonales, toxicologiques et infectieuses sur elles, ainsi qu’à répondre à un questionnaire visant à obtenir des informations sur leur mode de vie, leur vie sociale et leur historique familial de trouble mental.

Le même type de données est à nouveau collecté au moment où les patients quittent l’hôpital et que leur état s’est stabilisé, à leur premier rendez-vous en clinique externe un mois plus tard ainsi qu’à la fin de leur traitement, soit un an après ce premier rendez-vous.

L’impact de l’environnement. Dans le cadre d’une étude pilote, Isabelle Ouellet-Morin, du Département de criminologie de l’Université de Montréal, a montré que la fluctuation des symptômes psychotiques et dépressifs s’accompagne d’une variation de la méthylation de l’ADN du patient, laquelle ne transforme pas la composition des gènes, mais en modifie seulement le niveau d’expression.

Ces modifications qui surviennent sur l’épigénome, c’est-à-dire à la surface du génome, et que l’on appelle traces épigénétiques, émergent en réponse à l’environnement physique ou social, explique la chercheuse. « La schizophrénie, la dépression et le trouble bipolaire se caractérisent par une forte composante héréditaire. Mais on sait que l’environnement durant l’enfance participe également à l’apparition de ces maladies. »

À l’aide des données génétiques de 28 patients, Mme Ouellet-Morin et sa collègue Nadine Provençal, de l’Université Simon Fraser, ont comparé les traces épigénétiques présentes à des endroits précis du génome susceptibles d’être méthylés et qui généralement présentaient également des variations constitutives de l’ADN au moment de l’hospitalisation à celles présentes à la sortie de l’hôpital alors que les symptômes se sont atténués ou du moins stabilisés.

« Les traces épigénétiques observées à la sortie de l’hôpital semblent persister même jusqu’à un mois plus tard, affirme Mme Ouellet-Morin. Quand on pourra associer clairement certaines traces épigénétiques à un état particulier des symptômes et du fonctionnement du patient, on comprendra mieux la mécanique de la maladie et on pourra aussi voir le rôle des molécules pharmacologiques dans cette association. »

 

Risque de maladies cardiaques et d’AVC. Marjolaine Chicoine, du laboratoire du sommeil de l’hôpital Rivière-des-Prairies, a remarqué que 39 % des patients schizophrènes admis à l’urgence présentaient les principaux signes physiologiques associés au syndrome métabolique, qui augmente le risque de maladies cardiaques et d’accident vasculaire cérébral.

Selon la chercheuse, cette importante incidence du syndrome métabolique chez les schizophrènes permet de supposer que cette maladie insidieuse pourrait être responsable, du moins en partie, de l’espérance de vie de 25 à 35 ans moins élevée des schizophrènes.

Risque suicidaire. À partir des données de la banque Signature issues de 50 patients, le chercheur Édouard Kouassi, de l’IUSMM, a pu voir un lien entre la concentration des marqueurs inflammatoires, comme les cytokines, dans le sang des patients atteints de dépression majeure et l’occurrence d’idées, voire de pensées suicidaires.

« Nos résultats suggèrent que ces molécules pourraient servir de marqueurs du risque suicidaire chez les patients souffrant de trouble dépressif majeur », conclut le chercheur.

Steve Geoffrion, de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, a pour sa part remarqué que les personnes qui étaient admises à l’urgence psychiatrique avaient très souvent présenté des comportements agités, agressifs et d’opposition durant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. Il a également observé que ces comportements étaient plus fréquents chez les personnes qui avaient subi des abus durant leur enfance.
 

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