L’IRIS suggère de faire des médecins des salariés

Si les médecins gagnaient quatre fois le revenu moyen des Québécois et non plus 7,6 fois, tel qu’ils le font actuellement, la province économiserait 4,3 milliards par année.
Voilà ce qu’avance l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), qui suggère dans une étude publiée mardi le passage au salariat et la fin de l’incorporation pour les médecins québécois.
Le groupe de chercheurs, qui ne cache pas son aversion pour les politiques néolibérales en matière de santé, propose que le salaire des médecins soit revu à la baisse pour équivaloir à celui de leurs confrères du Royaume-Uni, dont le système de santé a inspiré celui qui existe au Québec, selon eux. « Réduire le salaire des médecins québécois à quatre fois le revenu moyen de la population active serait une proposition plus proche de nous sur le plan culturel et politique », suggèrent les auteurs de l’étude, intitulée L’allocation des ressources pour la santé et les services sociaux au Québec : État de la situation et propositions alternatives. Ils notent par ailleurs qu’en moyenne, les médecins des pays membres de l’OCDE reçoivent un revenu équivalant à trois fois le revenu moyen de l’ensemble de la population.
Les chercheurs s’en prennent particulièrement au statut de travailleurs autonomes des médecins, une situation qui a été doublée du droit de s’incorporer sous le gouvernement Charest, en 2007. À ce jour, environ la moitié des médecins sont incorporés, un statut qui leur permet par exemple de reporter l’impôt à payer ou de fractionner leur revenu avec un membre de leur famille.
Contre le financement à l’activité
Aussi l’étude de l’IRIS suggère-t-elle de ne pas implanter le financement à l’activité. Ses auteurs estiment que celui-ci « incite le médecin à se réserver la prestation d’actes médicaux, parce que sa rémunération en dépend » et ne favorise pas l’accomplissement de tâches en équipe, parce que « le travail du soignant est perçu comme une activité isolée parmi un ensemble de travailleurs de la santé ». « Dans différents pays européens ayant implanté ce mécanisme de financement des hôpitaux, on constate, pour les établissements concernés, que les administrateurs cherchent à multiplier le nombre de traitements pour lesquels les paiements octroyés sont plus élevés que les coûts engendrés », notent les chercheurs, en citant une étude de l’Observatoire européen des systèmes et politiques de santé.
Les propositions — parmi lesquelles se trouve le souhait que le système de santé rompe avec « la gouvernance entrepreneuriale » — sont audacieuses, convient le chercheur Guillaume Hébert. « Mais je pense que c’est exactement ce dont on a besoin », a-t-il plaidé. Les propositions innovatrices répondent au processus démocratique en cours, qui fait lui-même place à des propositions extrêmes, a-t-il ajouté, dans une référence voilée à l’actualité internationale.
Autre proposition audacieuse : celle de restituer l’autonomie des CLSC, d’accroître leurs pouvoirs et de leur assujettir les groupes de médecine familiale (GMF). « Le GMF privilégie une approche curative extrêmement axée sur le médecin », dénoncent les chercheurs, qui valorisent plutôt l’approche « holistique » de la santé qu’avaient les CLSC. Si le gouvernement dégageait quelque 4,3 milliards de dollars par année, Guillaume Hébert suggérerait d’utiliser ces économies exactement là. « Assurons-nous d’avoir une première ligne qui est solide », a-t-il déclaré, en insistant sur l’importance de bâtir un réseau de la santé qui accorde une place de choix à la prévention et qui permet des prises de position impliquant la population.