Les frais accessoires sous haute surveillance

Pierre Vallée Collaboration spéciale
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, annonçait, au mois de septembre, que les frais accessoires seraient abolis, et ce, dès janvier 2017.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, annonçait, au mois de septembre, que les frais accessoires seraient abolis, et ce, dès janvier 2017.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

Au mois de septembre dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, annonçait que les frais accessoires seraient abolis, et ce, dès janvier 2017. Toute une volte-face pour le ministre qui, peu de temps auparavant, avait indiqué qu’il profiterait de la loi 20 pour plutôt les encadrer. Mais avait-il le choix ?

« Je pense que le ministre était coincé, avance Pierre Soucy, président du Conseil provincial des affaires sociales (CPAS) et vice-président du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Bien que le ministre ait indiqué que cela n’avait pas influencé sa décision d’abolir les frais accessoires, je crois bien que la menace faite par la ministre canadienne de la Santé, Jane Philpott, de retrancher la somme payée en frais accessoires par les patients québécois du transfert canadien en santé, privant ainsi le Québec de cet argent, a certainement fait réfléchir le ministre Barrette. »

D’autant plus que la décision d’encadrer les frais accessoires avait mené à une levée de boucliers. La Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ) avait même entrepris un recours judiciaire afin d’obliger la ministre Philpott à interdire les frais accessoires au Québec, en vertu de la Loi canadienne sur la santé, qui considère cette pratique comme étant illégale. Rappelons ici que les frais accessoires ont été introduits au début des années 1970 et sont le résultat de négociations entre les fédérations québécoises de médecins et le ministère de la Santé du Québec. Bien qu’illégaux, en vertu de la Loi canadienne sur la santé, ils étaient tout simplement tolérés. « C’est qu’à cette époque, les avancées de la médecine ont fait en sorte que les médecins ont dû assumer des coûts supplémentaires pour certains soins prodigués en cabinet et en clinique, explique Jessica Olivier-Nault, chercheuse au CPAS. Comme ni l’État ni les médecins ne voulaient payer la note, les deux parties ont convenu de mettre le patient à contribution par l’intermédiaire de frais accessoires. »

Pour la suite des choses

 

Qu’arrivera-t-il en janvier 2017 ? Selon l’estimation du ministère de la Santé, les frais accessoires représentent une somme de 83 millions de dollars annuellement, dont 65 millions de dollars chez les médecins spécialistes et 18 millions de dollars chez les omnipraticiens. Qui assumera maintenant cette somme ? Le ministre Barrette a déclaré que cette somme devait être assumée à même l’enveloppe de rémunération des médecins, qui s’élève pour le présent exercice financier à 7 milliards de dollars. Une enveloppe de rémunération suffisamment élevée, selon le ministre Barrette, pour que les médecins absorbent eux-mêmes le montant des frais accessoires, d’autant plus que le ministre estime que le prix coûtant des fournitures médicales constituant les frais accessoires n’est que de 13 millions de dollars, le reste des 83 millions de dollars étant du profit bonifiant d’autant la rémunération des médecins.

Malgré la déclaration du ministre, des craintes subsistent. « Bien que le ministre ait pris cette décision, que l’on applaudit, et qu’il semble déterminé à la maintenir, explique Jessica Olivier-Nault, nous craignons que les fédérations des médecins cherchent à obtenir une certaine compensation financière pour les frais accessoires et que le gouvernement finisse par céder à leurs revendications. Il ne faudrait pas que cela se produise. »

Mme Olivier-Nault craint aussi que l’abolition des frais accessoires et l’obligation d’en assumer le coût par les médecins aient un effet pernicieux et viennent modifier la pratique médicale. « Évidemment, un médecin ne pourra pas refuser un soin à un patient en cabinet ou en clinique parce que ce dernier n’a plus à assumer les frais accessoires, mais qu’est-ce qui empêcherait un médecin de demander à son patient de passer par la pharmacie se procurer lui-même les fournitures médicales avant de se rendre à son rendez-vous ? »

Une façon donc de contourner l’abolition des frais accessoires ? Sans compter que, même si c’est interdit, on peut se demander ce qui empêche un médecin d’imposer en cabinet ou en clinique des frais accessoires en catimini ? « Nous donnons la chance aux coureurs et nous faisons confiance à l’honnêteté des médecins. Par contre, nous aimerions bien qu’il y ait un chien de garde et que le gouvernement mandate clairement la Régie de l’assurance maladie du Québec afin que cette dernière exerce un contrôle serré et sanctionne les médecins qui continueraient à imposer des frais accessoires ou qui chercheraient à en contourner l’interdiction. »

Que sont les frais accessoires ?

Les frais accessoires sont des frais qui sont assumés par un patient pour un soin ou un service assuré par la RAMQ. N’est pas un frais accessoire un frais assumé par un patient pour un soin ou un service qui n’est pas assuré par la RAMQ. Par exemple, un examen d’imagerie médicale est assuré par la RAMQ si ce dernier a lieu dans un milieu hospitalier. Par contre, le même examen d’imagerie médicale n’est pas assuré s’il a lieu dans un cabinet privé ou une clinique. Dans ce cas, le patient doit payer la totalité du coût de l’examen, sauf évidemment s’il détient une assurance médicale privée qui couvre, en tout ou en partie, ce type d’examen.

À leur introduction au début des années 1970, les frais accessoires ne concernaient que quelques fournitures médicales, comme des bandages surdimensionnés. Au fil des ans, la liste s’est considérablement allongée, incluant certains médicaments, comme les gouttes ophtalmiques et les anesthésiants. La liste des fournitures médicales constituant les frais accessoires a toujours été composée conjointement par les fédérations médicales et le ministère de la Santé. Par contre, le prix des frais accessoires était déterminé par les médecins, ce qui a entraîné la surenchère qui a mené à leur interdiction.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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