La table est mise pour un nouveau Guide alimentaire canadien

La révision du Guide alimentaire fait partie d’une stratégie plus large pour une saine alimentation.
Photo: Jacques Nadeau Le DEvoir La révision du Guide alimentaire fait partie d’une stratégie plus large pour une saine alimentation.

Refonte complète du Guide alimentaire, intention d’éliminer les gras trans des produits transformés et de réduire leur teneur en sel, volonté de mieux étiqueter les aliments et de limiter la publicité d’aliments malsains destinée aux enfants : Ottawa a manifesté de grandes intentions, lundi. Des actions sont réclamées depuis plusieurs années.

La ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, a annoncé que le processus débuterait par une consultation publique qui s’échelonnera jusqu’au 8 décembre.

La publication du nouveau Guide alimentaire se déclinera en plusieurs versions, avec certains outils destinés au grand public et d’autres, aux professionnels de la santé ou aux décideurs. Les premiers outils seront dévoilés à la fin de 2017, a indiqué Santé Canada.

Devant les participants au Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire, qui réunit plus de 3500 personnes à Montréal, la ministre Jane Philpott a indiqué que la révision du Guide alimentaire s’inscrivait dans une stratégie plus large pour une saine alimentation.

Tout comme Québec qui a à nouveau rejeté dimanche l’idée de taxer les boissons sucrées, Ottawa ne compte pas emprunter cette voie pour le moment.

« On manque de courage et d’audace », estime Corinne Voyer. La directrice de la Coalition poids déplore que les pressions de l’industrie semblent freiner la mise en place d’une telle taxe.

Guide alimentaire : plus simple ?

Une refonte du Guide alimentaire est réclamée depuis plusieurs années, alors que la plus récente mise à jour date de 2007.

La ministre Philpott a partagé sa vision : « Il faut que ce soit pertinent. Il faut que ce soit pratique et dans un langage simple, facile à comprendre et à mémoriser. Il doit y avoir des messages que les gens peuvent saisir en un coup d’oeil : moins de gras saturés et plus de fibres, moins de viande et plus de légumes, moins d’aliments transformés, soyez plus actifs, bougez. »

L’industrie ne sera pas partie prenante du processus. Elle pourra soumettre des mémoires, mais Santé Canada indique que, pour élaborer les nouvelles politiques, elle se référera à des experts en nutrition et en santé publique.

Le Dr Jean-Pierre Després souhaite que le nouveau Guide emboîte le pas à ce qui s’est fait dans d’autres pays en proposant des balises simples. « On réalise que nous avons fait fausse route avec des recommandations trop techniques, explique-t-il en entrevue. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il est plus gagnant d’aller vers la simplicité. De proposer de limiter certains aliments et d’en favoriser d’autres. » Il observe, au fil de conférences avec le grand public, que les citoyens sont confus devant les recommandations sur l’alimentation.

Cela veut dire, concrètement, moins d’aliments transformés et plus de produits sains, comme les grains entiers, les noix, les légumineuses ou les fruits et légumes.

Le chercheur à l’Université Laval et titulaire de la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique insiste : il ne faut pas mettre de côté l’importance de rappeler aux gens de bouger. « Il vaut mieux parler de comportements que de poids ! », rappelle-t-il.

« Il ne faut pas accuser le Guide alimentaire de tous les maux », ajoute Benoît Lamarche. Pour le titulaire de la Chaire en nutrition à l’Université Laval, le Guide n’est qu’une pièce du casse-tête, même s’il se réjouit que Santé Canada aille de l’avant. « C’est la quatrième source d’information sur l’alimentation, après le Web, la famille et les amis. C’est une excellente idée de revoir le Guide en se basant sur la science, mais il y a de grandes inégalités sociales en matière d’alimentation que le Guide ne réglera pas. »

Gras trans dans la mire

 

Ottawa évalue ses possibilités pour éliminer les gras trans produits industriellement des aliments. Même s’il y a eu un certain progrès avec les mesures volontaires qui sont en place depuis quelques années, a affirmé la conseillère médicale en chef de Santé Canada, la Dre Supriya Sharma, certains produits en contiennent encore.

Lucie Granger, de l’Association pour la santé publique du Québec, espère qu’Ottawa obligera dans la foulée l’industrie à dévoiler la présence de gras trans dans les produits destinés aux enfants de moins de 24 mois. « Nous nous sommes rendu compte qu’une réglementation permet à l’industrie de ne pas afficher les gras trans dans les aliments pour les tout-petits. Le fédéral devrait donner une directive claire à cet égard, dès maintenant », demande-t-elle.

Selon Benoît Lamarche, annoncer une élimination des gras trans est une source de « fierté politique », « mais depuis l’étiquetage obligatoire, ils ont presque disparu de notre alimentation. L’effet de cette mesure devrait donc être mitigé ».

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