Les médecins veilleront au grain, avertissent-ils

Optilab fait craindre 500 à 1000 pertes d’emplois aux technologues œuvrant en laboratoire.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Optilab fait craindre 500 à 1000 pertes d’emplois aux technologues œuvrant en laboratoire.

Le Collège des médecins du Québec suit l’évolution du projet Optilab « de très près » et « dénoncera toute situation comportant un risque pour les patients », a affirmé son président, le Dr Charles Bernard, en entrevue au Devoir.

Le projet Optilab, qui est sur les planches à dessin du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) depuis environ cinq ans, est encore nébuleux. On sait que la majorité des analyses serait effectuée dans l’un des onze laboratoires serveurs, alors que les laboratoires des autres hôpitaux verraient leurs effectifs réduits. Quelles analyses seraient transférées ? Quand ?

« Pour l’instant, c’est de la spéculation », affirme le Dr Bernard. « Les conditions gagnantes doivent être réunies, soit un transport sécuritaire des spécimens et un système informatique cohérent pour assurer la traçabilité. »

Lui comme les autres représentants médicaux à qui Le Devoir a parlé ne rejette pas complètement l’idée de centraliser certaines analyses pour permettre l’achat de coûteuses technologies ou améliorer l’efficience. Mais la qualité doit être au rendez-vous.

Du concret

 

La présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Dre Diane Francoeur, rencontre le ministre Gaétan Barrette mardi prochain. « Je suis tannée du bla-bla, j’exige des actions ! », lance-t-elle.  Je n’ai aucune garantie pour l’instant. » Elle doute que le projet vise une amélioration de la qualité des analyses au Québec. « On ne voit pas d’autres objectifs que celui de faire des compressions. » Québec estime à 75 millions de dollars les économies à réaliser.

Dès avril prochain, les technologues verront leur emploi transféré en fonction des 11 laboratoires serveurs désignés. Le principal syndicat les représentants, craignant 500 à 1000 pertes d’emplois, conteste devant le Tribunal administratif du travail. Pourquoi faire ces changements maintenant, alors qu’Optilab doit se déployer sur trois à cinq ans ? « Ils nous tiennent dans le noir », reproche la présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique (APTS), Carolle Dubé.

Faux problème

 

Le Dr Yves Giguère met en doute la prémisse même d’Optilab. « Il n’a jamais été démontré qu’il y avait un problème de qualité ou de coût avec les laboratoires du Québec », affirme le président de l’Association des médecins biochimistes du Québec. « Jusqu’à preuve du contraire, nos coûts par personne sont parmi les plus bas au Canada et dans les pays de l’OCDE ! » Selon lui, la consultation des médecins concernés, jusqu’à maintenant, est cosmétique, et les objectifs, « purement économiques ». Pourtant, il n’est pas contre une certaine centralisation : lui-même dirige un laboratoire qui traite tous les échantillons du Programme québécois de dépistage néonatal, ces prélèvements faits au talon de tous les nouveau-nés.

« On est prêts à travailler avec Québec, on veut rétablir le lien de confiance, voir les données, dit-il. N’oublions pas que 70 % des diagnostics sont faits à partir de résultats de tests de laboratoire. »

Le Dr Bernard Mathieu avertit que le projet pourrait plomber la performance, déjà problématique, des urgences. « Dans le guide de gestion des urgences, on demande que les résultats de laboratoire soient disponibles en moins d’une heure trente. On a installé des systèmes pneumatiques pour un transport rapide au sein de l’hôpital. Et là, on enverrait des échantillons dans le trafic ? », s’interroge le président de l’Association des médecins d’urgence du Québec. « On va allonger le temps de séjour des patients. »

Alors qu’on lui demandait sur quelles études ou analyses il se basait dans ce projet, le MSSS a répondu au Devoir que « Optilab comporte des avantages considérables, entre autres, l’assurance d’une masse critique d’expertise et l’automatisation des processus à haut volume d’activités ». « Ce modèle d’organisation est basé sur une approche qui respecte les besoins cliniques et tient compte des moyens technologiques requis afin d’assurer des services de qualité à la population », écrit la responsable des communications du MSSS, Marie-Claude Lacasse.

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