Les usagers plaident pour un processus d’accès indépendant

À la lumière des chiffres publiés par «Le Devoir», le Regroupement provincial des comités d’usagers, porte-parole des usagers du réseau de la santé, dit voir ses pires craintes se réaliser.
Photo: iStock À la lumière des chiffres publiés par «Le Devoir», le Regroupement provincial des comités d’usagers, porte-parole des usagers du réseau de la santé, dit voir ses pires craintes se réaliser.

Inquiets du nombre important de refus et de demandes d’aide à mourir non administrées en raison de délais, les représentants des usagers du réseau de la santé pressent les hôpitaux d’instaurer des processus neutres et limpides pour protéger des pressions indues les personnes en fin de vie souhaitant obtenir l’aide à mourir.

À la lumière des chiffres publiés mercredi par Le Devoir démontrant que plus du tiers des demandes sont refusées ou non administrées, le Regroupement provincial des comités d’usagers (RPCU), porte-parole des usagers du réseau, dit voir ses pires craintes se réaliser.

« L’un des pires scénarios que nous avions envisagés lors de l’adoption de la loi semble être en train de se concrétiser. Qu’est-ce qui justifie que certaines régions refusent la majorité des demandes ? Les usagers concernés, des personnes extrêmement vulnérables, ont-ils été l’objet de pressions ? La question, très inquiétante, se pose avec acuité. Pire encore, la loi ne prévoit aucune disposition visant à évaluer le respect des droits des usagers dans les cas où une demande d’aide médicale à mourir est refusée ou écartée », déclare M. Pierre Blain, directeur général du RPCU.

Statistiques alarmantes

 

Mercredi, Le Devoir révélait que contrairement aux demandes d’aide à mourir qui suivent leurs cours, les demandes refusées ou non administrées ne font l’objet d’aucun examen systématique. La semaine dernière, Le Devoir a appris que le CUSM s’est doté d’une politique interne restrictive, exemptant l’unité des soins palliatifs d’offrir l’aide à mourir et excluant tous les patients admis depuis plus de six mois.

« Le Québec a trouvé un consensus derrière les principes de la Loi concernant les soins en fin de vie. Or, non seulement des établissements comme le CUSM peuvent-ils adopter des politiques scandaleuses à l’égard des soins de fin de vie, mais les statistiques dévoilées aujourd’hui font sursauter », affirme Pierre Blain.

L’organisme avait sonné l’alarme dès 2013, lors de la commission parlementaire tenue pour élaborer la loi sur les soins de fin de vie, quant au risque que des pressions soient exercées sur les usagers par des médecins ou du personnel opposés à l’aide à mourir. En plus de l’obstruction claire rapportée au CUSM, Pierre Blain s’inquiète du taux massif de demandes rejetées ou qui ont avorté dans les régions de Laval, de Lanaudière, des Laurentides et à l’Institut de cardiologie et de pneumologie à Québec (de 52 % à 71 % de demandes non administrées).

Je ne vise pas à ce que l’aide médicale devienne une commodité. La distributrice de l'aide à mourir, ce n’est pas ça qu’on doit viser.

 

Ces chiffres prouvent qu’il faut revoir les façons de faire, estime le RPCU. Dans la plupart des établissements, il faut obligatoirement passer par un médecin pour obtenir un formulaire d’aide à mourir. « Il faut apporter des corrections à cela pour qu’on dépasse les convictions personnelles des gens. L’État doit être neutre, les établissements aussi, pour s’assurer que le suivi soit fait et le service offert librement aux usagers. Les gens ont maintenant un droit reconnu par la loi et la Cour suprême, et ils doivent pouvoir l’exercer », dit-il.

L’aide à mourir, une commodité ?

Malgré le grand nombre de demandes d’aide à mourir non administrées (34 %), le ministre de la Santé, Gaétan Barrette ne juge pas pertinent d’exiger un examen des cas refusés ou qui ont échoué, comme le réclament le RPCU et plusieurs médecins. « Aujourd’hui, on dit qu’on ne va pas assez vite. Je suis un peu déçu de voir qu’on s’émeut avec le fait qu’on n’analyse pas les délais », a-t-il dit lors d’un impromptu de presse à Québec.

Le ministre soutient qu’avant que la loi soit adoptée, plusieurs craignaient qu’on précipite indûment les mourants vers l’aide à mourir, sans leur consentement. Les délais observés démontrent plutôt le contraire. « Je ne vise pas à ce que l’aide médicale devienne une commodité. La distributrice de l’aide à mourir, ce n’est pas ça qu’on doit viser. Si ça demande un excès de prudence, je préfère l’excès de prudence », a-t-il invoqué.

« Même si la Cour suprême dit que c’est un droit, la Cour a aussi dit qu’il fallait des garde-fous. […] Faisons attention, c’est comme ça […] qu’on garantit qu’on n’aura pas de dérapages. »

Gaétan Barrette milite plutôt en faveur d’« interventions mesurées et appropriées » pour garantir que tout soit fait pour le bien-être des patients. À cet égard, il a rencontré le directeur du CUSM et a reçu la confirmation que la politique « obstructive » sur l’aide à mourir était levée depuis mercredi, et qu’une nouvelle politique s’appliquant à l’unité des soins palliatifs sera sanctionnée dans quelques jours par le conseil d’administration.

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