Québec relâche la prévention

Québec a cessé d’épandre des larvicides pour prévenir la transmission du virus du Nil occidental (VNO) l’été dernier. Et il en sera ainsi cette année, même si le Groupe scientifique sur le VNO a recommandé de maintenir cette intervention mise en place en 2013 pour limiter les cas d’infection.

Une saison record pour le VNO en 2012 avait en effet fait 5 morts, pour 133 cas déclarés. Sous recommandation de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Québec avait alors lancé une opération d’épandage de larvicides dans les zones les plus touchées, soit la Montérégie, Montréal, Laval, Lanaudière et les Laurentides. Les mares et eaux stagnantes avaient été traitées avec un larvicide biologique, le Bacillus thuringiensis. Ce dernier s’attaque aux larves des moustiques du genre Culex, responsables de la transmission du VNO aux humains. Les puisards étaient traités au méthoprène, un autre larvicide.

L’opération s’est répétée pendant les étés 2013 et 2014. Des larvicides ont été appliqués dans des zones où plus de trois à cinq cas humains avaient été rapportés et où la densité de la population le justifiait. Environ 600 km carrés avaient été traités en 2013, ainsi que près de 192 000 puisards de rue.

Québec a mis fin au programme l’été dernier. Il n’y a eu aucun épandage en 2015, et il n’y en aura pas cet été, a confirmé au Devoir le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

La responsable des communications du MSSS Noémie Vanheuverzwijn confirme que la recommandation du groupe d’experts sur le VNO n’a pas été suivie. « Nous avons procédé à une analyse de l’ensemble de la situation, justifie-t-elle. Il n’y a pas de preuve formelle de l’efficacité des larvicides utilisés seuls sans adulticides pour prévenir les infections humaines. »

Les adulticides, qui s’attaquent aux moustiques adultes, augmenteraient l’efficacité des interventions, mais ils seraient « trop toxiques » et leur utilisation est « trop risquée » selon le MSSS. Plusieurs sont interdits d’utilisation.

Larvicides recommandés

 

Dans un rapport de 2015, le Groupe scientifique sur le VNO de l’INSPQ recommandait de « maintenir l’application préventive de larvicides ».

En 2014, les chercheurs de l’INSPQ ont évalué l’efficacité de l’application préventive de larvicides dans les villes de Laval, Montréal, Longueuil et Saint-Jean-sur-Richelieu. Dans les puisards de rue, 100 % des larves avaient été tuées. Les chercheurs ont recueilli et analysé les insectes responsables de la transmission du VNO. L’abondance des moustiques du genre Culex a été réduite de 23 à 30 % dans les zones traitées.

L’été 2014 a été très calme en ce qui concerne la transmission du VNO : seulement six cas ont été confirmés. Les résultats de l’étude ne peuvent pas « prédire l’efficacité des larvicides lors d’une saison à plus forte activité » du virus, écrivent les experts. Ils recommandent de « poursuivre l’étude sur une deuxième année afin d’augmenter la robustesse des résultats » et de « documenter l’efficacité des larvicides sur plusieurs saisons ».

« Il est difficile de préciser le niveau d’efficacité de l’utilisation de larvicides seuls », écrivent les experts. Toutefois, « il y a lieu de croire que les traitements […] contribuent à la réduction des populations de moustiques adultes et devraient contribuer à réduire très tôt le cycle d’amplification du virus. Par ailleurs, il est bien établi qu’une réduction de l’abondance des populations de moustiques, sans faire référence à une technique de contrôle en particulier, a pour effet de réduire le nombre de cas du VNO chez l’homme ».

Ils ajoutent qu’en l’absence de traitement médical et de vaccin, l’application de larvicides est « la meilleure option pour lutter contre le VNO ».

Or, l’application des larvicides a cessé après 2014. « Les résultats de l’étude ne permettaient pas de conclure à l’efficacité de la stratégie », mentionne Noémie Vanheuverzwijn.

Le programme d’épandage coûtait entre 1 et 2 millions de dollars par an. Le MSSS recommande aux citoyens de se protéger contre les moustiques, notamment en portant des vêtements longs, en utilisant du chasse-moustiques et en éliminant les eaux stagnantes dans leur environnement.

Le MSSS poursuit les programmes de surveillance humaine, animale et entomologique. Une campagne d’information publique sera lancée cet été. L’épandage pourrait reprendre « si de nouvelles données probantes appuyaient une telle pratique ou si la situation épidémiologique le justifiait », affirme Mme Vanheuverzwijn.

Paralysies et décès

 

Bien qu’elle soit asymptomatique pour bien des patients, l’infection par le VNO n’est pas banale pour autant. L’INSPQ a étudié les cas des 166 patients infectés en 2012 et 2013. Ils ont publié les résultats préliminaires pour 87 d’entre eux en 2015, et les résultats complets devaient être transmis au MSSS. Alors que 78 % des patients avaient été hospitalisés, dont 25 aux soins intensifs (29 %), 5 personnes étaient décédées. Trois patients ont souffert d’une paralysie permanente et deux ont dû être admis en CHSLD. Deux ont rapporté une perte de mémoire.

Le plan d’action gouvernemental 2013-2015 pour la protection de la population contre le VNO estime à 400 000 dollars les coûts de santé associés à une saison où 25 cas de VNO sont déclarés. En situation épidémique, avec plus de 300 cas, on estime les coûts de santé à plus de 12 millions. La saison 2012 aurait coûté au minimum 2 millions de dollars, mentionne le document.

Il y a eu 33 cas confirmés en 2015, selon les données du Laboratoire de santé publique du Québec. La distinction n’est pas faite, dans la publication de ces données, entre les cas acquis au Québec et à l’étranger.

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