Barrette juge rassurantes les demandes refusées

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se réjouit que 30 % des demandes d’aide à mourir avortent, preuve que les garde-fous prévus par la loi fonctionnent. Mais les défenseurs du droit de mourir dans la dignité s’inquiètent des délais observés et décrient l’« obstruction idéologique » exercée par les médecins de certains hôpitaux universitaires de la région de Montréal.
Interpellé lors d’un impromptu de presse à Québec, le ministre Barrette a fait valoir que les chiffres publiés jeudi dans Le Devoir, révélant que près du tiers des demandes d’aide à mourir ne suivent pas leurs cours, « étaient une bonne nouvelle ».
« La population devrait être rassurée de ça, parce que pour avoir accès à l’aide médicale à mourir, il faut satisfaire à un certain nombre de paramètres. […] On a un système qui fait en sorte qu’on a garde-fou », a-t-il insisté, d’avis que ces chiffres ne doivent pas être reçus « négativement ».
Or, les rapports de la majorité des régions sur l’application de la loi sur l’aide à mourir compilés par Le Devoir démontrent qu’une forte proportion des demandes non administrées n’est pas du tout liée aux critères dictés par la loi, mais plutôt aux délais qui ont entraîné soit l’inaptitude, la sédation ou la mort naturelle du patient avant que sa requête n’ait pu être traitée.
« Je n’ai pas les détails de chacun de ces cas refusés, mais le fait que des gens n’y aient pas eu accès, il ne faut pas voir ça négativement. […] Si 100 % des demandes étaient acceptées, ça soulèverait un questionnement réel », a ajouté le ministre.
Ce dernier n’a fait aucun commentaire sur le fait que l’accès soit inégal selon les régions, et surtout, sur le fait qu’elles soient autorisées au compte-gouttes dans certains centres universitaires de la région de Montréal.
Lois déficientes
Pour l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD), les données révélant que plusieurs patients sont devenus inaptes avant d’avoir pu recevoir l’aide à mourir « sont troublantes » et viennent renforcer l’urgence de modifier les lois actuelles sur le consentement.
« Cette portion des lois fédérale et québécoise va devoir être reformulée. Car cela accroît les possibilités que des patients deviennent inaptes ou qu’ils se privent des médicaments que requiert leur état et tolèrent des souffrances intolérables pour rester aptes à consentir », insiste le porte-parole de l’AQDMD, le Dr Georges L’Espérance.
Par ailleurs, ce dernier juge inacceptable et « d’une tristesse infinie » le « blocage idéologique » exercé par certains médecins de soins palliatifs dans les centres hospitaliers universitaires de McGill (CUSM) et de l’Université de Montréal (CHUM), où un faible nombre de demandes ont été autorisées, malgré l’important bassin de population desservi par ces centres. « Les lits n’appartiennent pas aux médecins, mais aux patients, a déploré le Dr L’Espérance. Ces médecins confondent l’objection de conscience avec les agissements d’une organisation payée à même les taxes du public. »