Une banque à l’honneur au CHU Sainte-Justine?

L’un des principaux amphithéâtres du nouveau CHU Sainte-Justine portera le nom de BMO, selon un groupe de spécialistes de la pédiatrie. Ils déplorent que l’entreprise donatrice ait été préférée, au détriment des bâtisseurs du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine.
Les docteurs Fernando Alvarez, Christophe Faure et Joaquim Miro signent aujourd’hui une lettre ouverte dans nos pages pour inciter à remettre en valeur « l’oeuvre des personnes qui ont consacré leur vie à l’institution », notamment le Dr Claude C. Roy, décédé en juillet 2015.
Considéré mondialement comme l’un des pionniers de la gastro-entérologie pédiatrique, le Dr Roy a reçu nombre d’honneurs, dont ceux l’Ordre du Canada et du Québec.
« Aucun de nous trois n’est contre la charité, c’est une question d’équilibre et de ce qu’on veut montrer à notre jeunesse », explique le Dr Alvarez. L’accent doit être mis sur le travail scientifique, le dévouement et l’implication auprès des patients pour inspirer les prochaines générations de médecins selon le cardiologue Miro.
Son collègue Joaquim Miro renchérit : « J’adore la Fondation, il faut que ce soit clair. Le débat est plutôt autour de ce qu’un don peut acheter ou non. » En donnant le nom « de ceux qui ont aidé à payer le béton et non celui des hommes et des femmes exceptionnels qui ont donné une âme à ce même béton », c’est la transmission de la mémoire collective qui s’interrompt, écrivent-ils dans cette lettre.
La Fondation CHU Sainte-Justine n’a pas voulu confirmer ces informations. Personne n’était non plus en mesure de chiffrer les dons de BMO, un contributeur de longue date à cette fondation.
Désengagement et centralisation
Salon L’Oréal ou Deloitte, Atrium Hydro-Québec, salle Tata Communications, place Banque Royale : plusieurs établissements universitaires ont déjà baptisé leurs salles de cours du nom d’entreprises ayant contribué à leur construction. Aux yeux de Fernando Alvarez, la visibilité engendrée par ces dons est très avantageuse par rapport à l’achat de publicité, notamment grâce à sa durée dans le temps et grâce aux crédits d’impôt ainsi obtenus.
« Notre crainte est aussi que la philanthropie soit vue comme une façon de dédouaner le gouvernement face à ses responsabilités dans le milieu de la santé », exprime M. Miro. Les politiques d’austérité actuelles leur font redouter que la charité devienne « le seul recours, alors qu’elle devrait être un supplément et non pas remplacer ce que l’on doit assumer comme société », poursuit M. Alvarez.
L’impression que la dissension se tait à l’intérieur de l’institution avec la réforme du ministre Gaétan Barrette l’a aussi encouragé à reprendre son droit de parole. Le ministre de la Santé a regroupé en septembre 2015 le CHU Sainte-Justine et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) qui partagent maintenant le même conseil d’administration ainsi que le même président-directeur général.
En plus de devoir réduire ses effectifs de psychologues et de travailleurs sociaux, l’hôpital pour enfants réclame depuis deux ans des contributions de plusieurs millions de dollars à sa fondation pour financer certains projets déjà entamés.