50% des antidépresseurs sont prescrits pour autre chose qu’une dépression

Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université McGill révèle que près de 50 % des antidépresseurs prescrits au Québec sur une période de dix ans l’ont été pour traiter autre chose qu’une dépression.

L’étude publiée mardi dans la revue JAMA a été menée par Jenna Wong, une étudiante au doctorat au Département d’épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail de l’Université McGill. Ses collègues et elle ont analysé plus de 100 000 ordonnances d’antidépresseurs rédigées pour près de 20 000 adultes entre 2006 et 2015.

Les 158 médecins qui ont participé à l’étude devaient sélectionner au moins une indication thérapeutique justifiant l’ordonnance d’antidépresseurs. Ils pouvaient faire leur choix à partir d’un menu déroulant ou ajouter des indications à la main.

Parmi l’échantillon de l’étude, seulement 55 % des ordonnances d’antidépresseurs étaient accompagnées de l’indication « dépression ». Parmi les autres raisons évoquées, les médecins ont rédigé des ordonnances pour traiter les troubles anxieux (18,5 %), l’insomnie (10 %), la douleur (6 %) ou les troubles de panique (4 %). Ils ont également opté pour des antidépresseurs dans le cas de patients qui présentaient un trouble du déficit de l’attention, des troubles digestifs ou qui avaient une migraine.

L’usage d’antidépresseurs a augmenté de manière constante au cours des deux dernières décennies en Amérique du Nord, mais cette nouvelle étude met en lumière les raisons pour lesquelles on les prescrit.

Manque de preuves

 

« Le but n’est pas de montrer du doigt les médecins, indique Jenna Wong en entrevue. Mais on voit clairement que plusieurs raisons invoquées pour recourir aux antidépresseurs ne sont pas soutenues par des preuves scientifiques. » C’est notamment le cas du traitement d’une migraine et d’un trouble du déficit de l’attention, précise la chercheuse.

L’étude ne s’est pas attardée aux raisons qui poussent les médecins à prescrire des antidépresseurs pour d’autres indications thérapeutiques qu’une dépression, mais Mme Wong soupçonne qu’ils agissent de la sorte lorsqu’ils se retrouvent à court de solutions.

« L’objectif de nos prochaines études sera de savoir ce qui explique le choix des médecins et les effets que l’usage d’antidépresseurs peut avoir sur les patients qui ne souffrent pas de dépression », évoque Jenna Wong.

Un rapport du Conseil du médicament du Québec publié en 2011 a fait état de l’usage d’antidépresseurs de manière élargie. « Les antidépresseurs sont principalement utilisés pour traiter les troubles de l’humeur et les troubles anxieux, mais leur utilisation est maintenant étendue à plusieurs maladies, qu’elles soient mentales ou non. Or, plusieurs de ces maladies ne font pas partie des indications approuvées des antidépresseurs, ce qui représente un usage élargi et parfois non optimal », soulignait-on.

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