La RAMQ acquiert du mordant

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, estime que le projet de loi 92 répond aux craintes de la vérificatrice générale.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, estime que le projet de loi 92 répond aux craintes de la vérificatrice générale.

Québec a décidé de s’attaquer d’un seul geste aux frais accessoires abusifs facturés aux patients et aux erreurs et fraudes de facturation des professionnels de la santé, tels les médecins, à la Régie de l’assurance maladie (RAMQ).

En accordant des pouvoirs d’enquête accrus à la RAMQ, en lui laissant plus de temps pour mener ses enquêtes et en instituant des amendes plus salées, Québec espère avoir un effet dissuasif. Le projet de loi 92 modifie en tout six lois différentes.

« C’est un pouvoir à des années-lumière du passé, a indiqué le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, lors d’un point de presse, mercredi. Nous ne pensons pas que c’est un problème très répandu, mais nous avions besoin de plus de pouvoir pour intervenir. »

Pour le ministre, ce projet de loi répond « complètement » au rapport de la vérificatrice générale en « donnant à la RAMQ le véritable pouvoir de contrer les abus envers les citoyens ». En novembre dernier, la vérificatrice générale Guylaine Leclerc soulignait dans un rapport que la RAMQ ne possédait pas les leviers nécessaires pour enquêter et sévir concernant la facturation des médecins. La RAMQ, pour sa part, demande plus de pouvoir depuis plusieurs années et a reconnu en commission parlementaire l’existence des risques de fraude.

Une fois le projet de loi adopté, la RAMQ aura le pouvoir de rédiger des amendes qui s’élèveront jusqu’à 150 000 $.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec voit dans ce projet de loi une « opération politique en réponse à la pression populaire ». « La fraude dans la facturation des médecins est un faux problème, elle est marginale », dit son président, le Dr Louis Godin. Selon lui, la complexité du système de facturation, qui comprend des milliers d’actes, ouvre nécessairement la porte aux erreurs. En ce sens, un nouveau logiciel implanté cette année à la RAMQ devrait faciliter la facturation, croit-il.

Erreurs de facturation et fraude

 

Une partie du projet de loi donne du muscle à la RAMQ concernant les enquêtes sur les honoraires des professionnels. Il pourrait autant s’agir d’un médecin, d’un pharmacien, d’un optométriste ou d’un dentiste qui aurait fait des erreurs de facturation ou qui aurait carrément fraudé la RAMQ.

Cette dernière pourra avoir accès à tout document pertinent lors d’une inspection, et même chez un tiers comme un comptable qui s’occuperait de la facturation d’un professionnel de la santé.

« On n’anticipe pas nécessairement aller chercher plus d’argent, a expliqué le p.-d.g. de la RAMQ, Jacques Cotton. C’est un incitatif pour que les gens surveillent de plus près ce qu’ils facturent à la RAMQ. »

Québec verse chaque année en honoraires plus de 6 milliards de dollars aux médecins et des centaines de millions aux autres professionnels.

Frais accessoires

 

Le projet de loi vient aussi augmenter les pouvoirs de la RAMQ concernant les frais facturés abusivement aux patients.

Toutefois, ce sont les règlements du projet de loi 20 qui doivent venir préciser ce qu’est un frais illégal. Ces règlements ne sont pas connus à ce moment-ci.

Selon le ministre Barrette, le projet de loi 92 empêchera une récidive d’épisodes tels que celui de la clinique Rockland MD. La RAMQ est toujours devant les tribunaux dans cette affaire. Elle cherche à récupérer environ 400 000 $. Il y a quelques années, des patients opérés dans cette clinique se sont vus facturer jusqu’à plusieurs milliers de dollars, alors que la RAMQ rémunérait les médecins pour les interventions chirurgicales.

« La RAMQ aurait le pouvoir sur-le-champ de réclamer les sommes dues », affirme le ministre.

De plus, grâce à un nouveau pouvoir de réclamer une injonction devant la Cour supérieure, la RAMQ pourra faire cesser toute activité de facturation illégale des patients.

La RAMQ n’aura pas non plus besoin d’attendre qu’un patient dépose une plainte pour intervenir, comme c’est le cas présentement.

Besoin d’enquêteurs

Le projet de loi est un bon point de départ aux yeux de Damien Contandriopoulos, chercheur à l’Université de Montréal et observateur de longue date de la rémunération médicale. Mais le p.-d.g. de la RAMQ Jacques Cotton reconnaît lui-même que ses effectifs n’augmenteront pas malgré les pouvoirs étendus. « Avec les millions de factures reçues par la RAMQ chaque mois, ça prend aussi les ressources humaines pour appliquer la loi », estime M. Contandriopoulos.

Le projet de loi prévoit aussi des sanctions contre les pharmaciens, les grossistes et les fabricants de médicaments dans les dossiers de ristournes illégales.


Carte-soleil surveillée

L’utilisation frauduleuse de la carte-soleil sera plus sévèrement sanctionnée. Toute personne qui en aurait aidé une autre à obtenir frauduleusement une carte d’assurance maladie serait solidairement responsable de rembourser les soins reçus à l’État. Les amendes passent aussi d’un maximum de 1000 à un maximum de 5000 $.


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