Des médecins auraient laissé mourir des patients suicidaires

Des médecins qui auraient omis de prodiguer des soins en pareilles circonstances s’exposent à des poursuites, selon l’avocat Jean-Pierre Ménard.
Photo: iStock Des médecins qui auraient omis de prodiguer des soins en pareilles circonstances s’exposent à des poursuites, selon l’avocat Jean-Pierre Ménard.

Des médecins ont omis de réanimer des patients conduits à l’urgence après une tentative de suicide par empoisonnement. Alerté, le Collège des médecins du Québec (CMQ) a publié la semaine dernière sur son site Web un avis dans lequel il rappelle à ses membres qu’une tentative de suicide n’est pas un refus de traitement.

C’est à l’automne dernier que le CMQ « a été informé que, dans des hôpitaux du Québec, des personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours par intoxication n’étaient pas réanimées alors que, de l’avis de certains experts, un traitement échelonné sur quelques jours pourrait les sauver sans séquelles ou presque », indique l’avis.

Le National Post rapportait ces faits jeudi.

 

Ni le nombre de patients concernés ni les établissements ou les médecins ne sont mentionnés. C’est le Centre antipoison du Québec qui a d’abord alerté le CMQ.

« Certains pourraient vouloir interpréter un geste suicidaire comme l’expression d’un refus de soins que les soignants devraient respecter », écrivent les membres du groupe de travail du CMQ dans l’avis. Or, tranchent-ils, « ne pas agir relèverait de la négligence ».

Le suicide est bien souvent un « choix contraint », rappelle l’avis, car une tentative de suicide a des explications complexes. « En l’absence d’une connaissance suffisante de l’histoire du patient, et faute de temps pour évaluer tous les enjeux du geste, […] la responsabilité première du médecin qui exerce à la salle d’urgence est d’agir pour maintenir la vie et éviter autant que faire se peut les séquelles d’une réanimation tardive. »

Le secrétaire du CMQ, le Dr Yves Robert, a dit au National Post que des cas de médecins qui n’ont pas administré un antidote qui pouvait potentiellement sauver la vie de patients lui ont été rapportés. « Quand c’est une question de vie ou de mort, tu dois faire tout ce qui est en ton pouvoir pour sauver cette vie, peu importe la cause sous-jacente », a-t-il affirmé.

Le Collège n’aurait pas l’intention d’enquêter. « Nous ne sommes pas en mesure d’aller à la pêche afin de voir où cela a pu se produire », a indiqué le Dr Robert au National Post. Le Devoir n’a pas réussi à parler à un porte-parole du CMQ vendredi pour obtenir davantage de commentaires.

Des médecins qui auraient omis de prodiguer des soins en pareilles circonstances s’exposent à des poursuites non seulement en vertu de leur code de déontologie, mais aussi des codes civil et même criminel, selon l’avocat Jean-Pierre Ménard. « Le Collège doit [faire savoir clairement] qu’il n’y a aucune exception à cet égard, dit-il. Toutefois, une fois l’urgence passée, le patient pourrait refuser des soins. »

Le président de l’Association québécoise de prévention du suicide, Jérôme Gaudreault, a été sidéré d’apprendre l’existence de ce phénomène. « Je suis tout de même rassuré par l’avis », indique-t-il. Citant une étude de l’UQAM, il explique que dans les jours suivant une tentative de suicide, la moitié des gens sont heureux d’être toujours en vie. « La volonté de mourir peut être passagère, car en fait, les gens veulent plutôt arrêter de souffrir », explique M. Gaudreault.

Selon l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), l’intoxication, surtout par médicaments, était le deuxième moyen le plus souvent utilisé par les femmes pour mettre fin à leurs jours entre 2010 et 2012. Ce sont 35 % des suicides de femmes qui sont attribuables à ce moyen de passer à l’acte. Hommes et femmes confondus, c’est le troisième moyen en importance. Il y a eu 1101 suicides au Québec en 2013, la donnée la plus récente disponible.

À voir en vidéo