Gaétan Barrette encore accusé d’ingérence

La cessation des activités du Commissaire à la santé et au bien-être, annoncée dans le budget provincial, exaspère les groupes de défense des utilisateurs du système public de santé, qui y voient une nouvelle preuve d’ingérence de la part du ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Le Commissaire, dont la nomination relève du gouvernement, a pour mission d’évaluer les résultats atteints par le système de santé et de prendre le pouls de la population, notamment par le biais de son Forum de consultation, dont la majorité des membres sont des citoyens « ne représentant aucun groupe d’intérêt particulier », selon la loi. Son budget de fonctionnement est de 2,7 millions de dollars.
Or la section « Renseignements additionnels » du budget 2016-2017 annonce que ses activités seront suspendues et confiées au ministère de la Santé et à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Le but ? « Éliminer les chevauchements et clarifier les rôles et responsabilités en santé », selon le document.
« Les rôles et responsabilités du Commissaire à la santé et au bien-être seront maintenus, mais intégrés à l’INESSS et au [ministère de la Santé]. Les détails de cette intégration seront connus dans le projet de loi qui fera suite au budget », a fait savoir vendredi l’attachée de presse du ministre, Julie White.
« C’est une justification vite faite », a réagi le président de l’Alliance des patients pour la santé, Jérôme Di Giovanni. « L’INESSS n’est pas une structure autonome et indépendante. [Le Commissaire] est la seule structure qui existe au Québec qui fait une évaluation de l’efficacité et de l’efficience du réseau. […] Il fait souvent des critiques, fait ressortir les problématiques, fait des propositions et des suivis. »
Sur son site Web, l’INESSS définit sa mission comme celle de « promouvoir l’excellence cliniqueet l’utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux ».
Un « pattern » pour Gaétan Barrette
Le président-directeur général du Conseil pour la protection des malades, Paul G. Brunet, estime que Gaétan Barrette veut s’arroger davantage de pouvoir en faisant cesser les activités du Commissaire. « C’est son pattern. Maintenant, il aura les coudées franches. Il n’aura plus aucune barrière, même symbolique. Le Commissaire ne sera plus une institution, ce sera une fonction, et le ministre fera à son goût », s’est-il inquiété.
L’Association pour la santé publique du Québec a dit craindre que le point de vue et les attentes des citoyens ne soient dorénavant ignorés. « [Le Commissaire] agissait comme une sorte d’ombudsman. Sa mission consiste à apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale dans le but de contribuer à l’amélioration de l’état de santé et du bien-être des Québécois », a rappelé sa directrice générale, Lucie Granger.
Les associations de défense des droits des patients ne s’en cachent pas : ils utilisent régulièrement les recommandations du Commissaire pour appuyer leurs revendications. « En l’abolissant, cette analyse autonome et externe n’existera plus », s’est désolé M. Di Giovanni. « Pour l’instant, on a plus l’impression que c’est le ministre des médecins que le ministre des patients, a ajouté M. Brunet. Les valeurs d’empathie et de justice, quand on a un bully à la tête du ministère, on oublie ça. »
L’avocat spécialisé en droit médical Jean-Pierre Ménard a dénoncé l’attitude du ministre Barrette, qui vient selon lui d’abolir l’un des « trois chiens de garde » du système de santé, les deux autres étant le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général. « De toute façon, Gaétan Barrette ne tient pas compte de l’avis de ces chiens de garde. Il se prive de leur expertise », a-t-il cependant ajouté.