Une demi-victoire pour les parents accusés de maltraitance

Catherine Major, devenue le porte-voix de plusieurs parents faussement soupçonnés de maltraitance au CHU Sainte-Justine, ne voit qu’une demi-victoire dans les blâmes servis à l’hôpital par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ). Le problème restera entier tant que les personnes responsables des déboires vécus par plusieurs familles demeureront intouchables, a-t-elle déploré.
D’abord soulagée par le ton sévère de la Commission, la mère a appris plus tard en journée que cette même Commission exonérait l’hôpital de tout blâme dans son propre dossier, malgré le cauchemar vécu après la naissance de sa fille en 2013. « Dans le rapport personnel que j’ai reçu aujourd’hui [mardi], ils affirment que les droits de ma fille n’ont pas été lésés. Je n’ose alors imaginer ce qu’ont vécu les autres enfants ! » a-t-elle dit, soufflée par cette conclusion.
Des examens excessifs
Après avoir mené une enquête sur les cas de 13 enfants pris en charge par la clinique sociojuridique du CHU Sainte-Justine, spécialisée dans le dépistage de la maltraitance, la CDPDJ conclut que les droits de six d’entre eux ont effectivement été lésés. La Commission affirme que « le personnel du CHU Sainte-Justine a outrepassé son rôle », a tardé à signaler certains cas et s’est acquitté de l’enquête et de l’évaluation relevant normalement du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ).
Confusion des rôles et examens excessifs font partie des torts reprochés au personnel de la clinique. « Est-ce normal de faire un examen gynécologique à un nourrisson parce que ce dernier a eu une blessure à une jambe ? » cite en exemple le vice-président de la CDPDJ, Camil Picard. Et cela, sans que les parents n’aient pu consentir à ces examens, a-t-il déploré.
Une situation semblable à celle vécue par la musicienne Catherine Major, un mois après la naissance de sa fille en 2013, et qu’elle dénonce toujours âprement. « Nous avons vécu de l’acharnement médical. La Commission a un mandat très précis, mais les droits des parents aussi ont été bafoués. Maintenant, il revient au Collège[des médecins] de dire s’il y a eu des manquements à l’éthique et à la déontologie du médecin concerné », a-t-elle dit.
Accusés
Catherine Major et son conjoint ont vécu l’enfer après avoir emmené leur poupon de six semaines à l’urgence. Tombé de son siège de bébé, le nouveau-né se voit diagnostiquer deux fractures aux côtes. Un médecin soupçonne alors le couple de brutalité et le signale à la DPJ.
Radiographies multiples, tests de dilatation des pupilles et deux IRM (imagerie par résonnance magnétique) sont ensuite répétés sur la fillette, à l’encontre de la volonté des parents, pour déceler un potentiel syndrome du bébé secoué. Le bras de la petite est ensuite plâtré, malgré l’absence de toute fracture. La mention spéciale PEM (potentiel d’enfant maltraité) est demeurée au dossier médical du bébé même si la famille a été blanchie de tout blâme par la DPJ après trois semaines. Une pratique que dénonce d’ailleurs vertement la Commission, invitant Sainte-Justine et d’autres hôpitaux à abandonner cette façon de faire contraire à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Près de trois ans après le dépôt de plaintes, le Collège des médecins mène enquête, mais n’a toujours pas décidé si le médecin, à qui on reproche la majorité des actes, sera traîné en comité de discipline. Même portrait au comité disciplinaire du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CHU Sainte-Justine, qui n’a pris aucune mesure disciplinaire à l’encontre du médecin critiqué.
Mardi en fin de journée, le CHU Sainte-Justine a réagi au rapport en disant que la CDPDJ avait reconnu que ses experts « avaient des motifs raisonnables de croire à une possible maltraitance ». L’institution concède avoir tardé à signaler trois cas à la DPJ, mais affirme avoir clarifié depuis les rôles et responsabilités des médecins et de ses partenaires.