Sortir de l’hospitalocentrisme

Le gel des embauches de médecins de famille dans les hôpitaux, décrété par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, est un pas dans la bonne direction pour sortir de l’hospitalocentrisme et offrir un meilleur accès aux patients en première ligne, estime David Levine. Mais attention, prévient-il, Québec doit désormais donner aux médecins les moyens d’équiper les supercliniques, sans quoi on se dirige dans un cul-de-sac.
« C’est une bonne chose, il faut sortir les médecins des hôpitaux », affirme d’emblée David Levine, ancien gestionnaire du réseau de la santé qui travaille désormais comme lobbyiste pour l’Association des cliniques médicales du Québec (ACMQ). Ce dernier plaide depuis longtemps pour que les services de première ligne se donnent dans la communauté plutôt que dans les hôpitaux. Dans cette optique, la décision du ministre Barrette de geler les nouvelles embauches de médecins de famille dans les hôpitaux à moins de dérogations ministérielles pour arriver à une diminution de 20 %, comme le révélait Le Devoir mercredi, fait plaisir à M. Levine.
« C’est le début d’une révolution de notre système hospitalocentriste vers un système qui est basé sur une prise en charge en première ligne dans les cliniques. C’est un début et c’était important de le faire pour assurer une plus grande accessibilité, mais il faut que ce soit complété. »
Situations spécifiques
Si les médecins de famille sont si nombreux à vouloir travailler dans les hôpitaux, c’est qu’ils y trouvent toutes les ressources dont ils ont besoin : spécialistes, équipement technique, etc., rappelle celui qui a été brièvement ministre délégué à la Santé sous Bernard Landry. Si l’actuel ministre veut améliorer le système, il doit donc permettre à ces médecins de retrouver les mêmes conditions à l’extérieur de l’hôpital. « Québec a une responsabilité. On va régler le problème uniquement si le gouvernement prend l’orientation de développer ce qu’il appelle des mégacliniques, de les équiper correctement et d’assurer qu’il y ait d’autres professionnels dans ces cliniques. Si la seule chose qui est faite est d’envoyer des médecins dans les cliniques sans rien faire d’autre, on va créer un groupe de médecins insatisfaits et ça va créer plus de problèmes que d’autres choses. »
Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a refusé pour une deuxième journée consécutive d’accorder une entrevue au Devoir sur le sujet. Mais sur les ondes de RDI, mercredi matin, il a défendu sa décision, affirmant que ça permettrait d’améliorer l’accès à un médecin de famille pour les Québécois. Il tente également de se faire rassurant sur l’application de ces nouvelles modalités. « Les règles, ça doit être mur à mur, mais ça doit être adapté aux situations spécifiques […]. On n’annonce pas qu’il va y avoir une réduction demain matin partout. Il y a des endroits où on ne peut pas réduire le nombre de médecins pour des raisons de fonctionnalité. On ne va pas fermer une urgence pour mettre des gens en cabinet. »
Du côté de la FMOQ
Le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), Louis Godin, qui a négocié cette entente avec le ministère de la Santé, rappelle qu’il y a plus de spécialistes par personne au Québec qu’ailleurs au Canada et que, malgré tout, les médecins de famille font 40 % de leur temps à l’hôpital. « Ce que l’on veut, c’est que lorsqu’il y a un nombre suffisant de médecins spécialistes, il faudrait qu’ils fournissent leur part d’efforts du travail hospitalier et nous autres, les médecins de famille, on va se concentrer à l’hôpital sur ce qui doit être fait par les médecins de famille. Ça veut dire qu’on va continuer à s’occuper de l’urgence, de l’hospitalisation, dans certains endroits des soins intensifs. Et on va continuer à faire tout ce qui s’appelle gériatrie, obstétrique normale et soins de longue durée. »
Il dit comprendre que les résidents en médecine de famille soient inquiets, ces derniers ayant postulé au premier tour sans savoir que les règles du jeu allaient changer en cours de route, mais il tente de se faire rassurant. « Je suis d’accord avec les résidents, il aurait été intéressant que cette entente soit conclue il y a un mois, mais, pour différentes raisons qui sont hors de mon contrôle, elle s’est conclue avant Noël. Mais qu’ils attendent de voir ce qui va se passer au début de janvier avant de conclure qu’ils ne pourront pas se retrouver dans des postes où ils pensaient aller travailler. »
Québec a une responsabilité. On va régler le problème uniquement si le gouvernement prend l'orientation de développer ce qu'il appelle des mégacliniques, de les équiper correctement et d'assurer qu'il y ait d'autres professionnels dans ces cliniques.