La pollution sonore coûte cher au Québec

Alors que plusieurs se sont envolés pour les vacances et que d’autres se sont reclus dans le silence des campagnes, l’on tend de plus en plus l’oreille aux grondements de la civilisation. Une étude récente de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) révèle qu’au moins 640 000 personnes ont été exposées en 2014 à des niveaux de bruit environnemental nuisibles. Les transports en restent la source principale, l’aérien étant le plus dérangeant.
Pour la province seulement, la dépréciation des maisons dans des zones affectées et les autres coûts financiers s’élèvent à 679 millions de dollars. Et cette évaluation est « conservatrice », indiquent les auteurs, Richard Martin, Pierre Deshaies et Maurice Poulin.
L’avis, rendu public il y a un mois sans faire grand bruit, avait été sollicité par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour explorer les mesures susceptibles de mitiger ce facteur de risque pour la santé. L’INSPQ plaide ainsi pour une politique harmonisée contre le bruit.
La pollution sonore occasionne en effet des troubles graves. L’exposition chronique au bruit du trafic routier ou aérien augmente le risque d’hypertension artérielle et d’infarctus du myocarde, selon des études récentes recensées par l’INSPQ.
Les sons « nuisibles » sont définis comme ceux « non désirés », « qui dérangent » ou ceux dont la puissance est trop élevée. Le seuil de 55 décibels pour le bruit ambiant — présent de jour comme nuit — est généralement cité, entre autres par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’impact reste subjectif, donc variable selon les individus, note l’Institut, mais il est reconnu comme un problème de santé publique partout à travers le monde.
Lorsque le bruit interfère avec d’autres activités, le sommeil par exemple, il est d’emblée considéré comme nuisible. Les chercheurs indiquent également que l’apprentissage des enfants à l’école peut en être dérangé. Preuve en est que l’insonorisation de 35 écoles publiques américaines situées à proximité d’aéroports a entraîné une diminution notable du taux d’échec.
Confusion politique
C’est sur ces effets que Raymond Prince s’évertue à attirer l’attention depuis plus de deux ans. Porte-parole du regroupement Les pollués de Montréal-Trudeau, il représente des citoyens exaspérés par le vrombissement des avions au-dessus de leur tête et de leur maison.
M. Prince accueille favorablement cet avis, « qui reconnaît le problème et le fait que le transport aérien est la source la plus dérangeante ». Il déplore cependant que peu de données récentes soient disponibles, et que l’avis reste plus « académique » qu’une véritable « étude d’impact ». Le groupe de citoyens a installé 10 stations de mesures du bruit dans les corridors des avions afin de documenter le niveau sonore. « Les données sont publiques, mais ils ne les utilisent pas, contrairement à celles d’ADM [Aéroports de Montréal], qui est plutôt opaque », dénonce-t-il.
Les solutions avancées dans l’avis sont pertinentes, mais elles ne vont pas assez loin, selon ce porte-parole. « Ailleurs dans le monde, des organismes indépendants gèrent les plaintes et donnent carrément des pénalités aux transporteurs aériens qui violent les couvre-feux ou les niveaux de bruit. À 40 000 euros à Genève, le transporteur y pense deux fois ! »
Les pollués de Montréal-Trudeau ont trouvé l’oreille attentive de quelques politiciens, mais aucun « porteur de dossier », avance M. Prince.
Il faut dire que la lutte contre la pollution sonore est extrêmement morcelée, ce que l’INSPQ ne manque pas de souligner. On lit en effet dans l’avis qu’au Québec, « au moins dix ministères et onze organisations se partagent les responsabilités en cette matière ». Uniquement à l’échelle de Montréal, des règlements contre le bruit sont adoptés par chacun des arrondissements, avec quelques variations.
À l’instar de M. Prince, l’INSPQ a recensé une trentaine de groupes au Québec, qui ont pour la plupart une source spécifique de bruit dans leur mire, les motoneiges ou les éoliennes par exemple.
Longtemps parent pauvre de l’environnement, le « vécu sonore » excessif donne de plus en plus lieu à des plaintes, voire à des poursuites judiciaires. La Ville de Saint-Lambert tente notamment de limiter le niveau sonore des spectacles extérieurs qui ont lieu durant l’été au parc Jean-Drapeau. Signe que le problème du bruit se fait de plus en plus entendre.