Les négos entre Québec et la FMOQ bloquent des résidents

Des résidents en médecine familiale qui s’apprêtent à commencer leur pratique dans le réseau public se disent « pris en otage » par Québec, qui a suspendu l’octroi des permis de pratique en raison des négociations avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).
« Nos membres sont frustrés et je les comprends, affirme le directeur de la Fédération des médecins résidents du Québec, Jean Gouin. On demande au ministre de régler la situation avec toute la diligence qu’on lui connaît. » Chaque année, le ministère détermine le nombre de médecins qui seront appelés à travailler dans chacune des régions du Québec en fonction de la demande, des départs et du nombre de nouveaux médecins. C’est ce qu’on appelle les Plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM).
Selon le nombre de places disponibles, les résidents de deuxième année peuvent postuler pour le poste qu’ils convoitent. À la fin du processus, autour du 15 novembre, les hôpitaux octroient des avis de conformité aux candidats qu’ils ont retenus.
Pour les résidents, c’est un moment charnière dans leur carrière. C’est ce qui va déterminer dans quelle région ils vont s’installer et prendre en charge leurs patients.
Directive ministérielle
Mais cette année, le ministère a décidé de surseoir à l’octroi de ces avis de conformité. « Il y a une directive de la part du ministère de la Santé et des services sociaux à l’effet de suspendre l’octroi des PREM en médecine familiale, et ce, en attendant la signature d’une entente entre la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le MSSS sur les règles de gestion, écrit la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ) à ses membres. Actuellement, aucun chef de département de médecine générale ne devrait accorder d’avis de conformité. »
Le directeur général de la Fédération, Jean Gouin, déplore ces délais qui pèsent lourdement sur les résidents. « Si on se rend au mois de janvier, le stress est décuplé parce que les résidents sont en période d’étude pour leur examen de fin de formation. Ça les stresse énormément, et je ne pense pas qu’on doit ajouter des facteurs de stress inutiles. »
Il craint que ces négociations ne se fassent « sur le dos des jeunes médecins ». Il est d’autant plus inquiet que, pour les finissants, les règles du jeu changent en plein milieu de la partie. « Les résidents ont postulé en fonction des règles de gestion qui existaient, et là, on se retrouve à vouloir changer les règles de gestion. »
Impacts immédiats
Pour certains, les impacts sont immédiats. « J’ai choisi d’aller en région pour aider », affirme une résidente sous le couvert de l’anonymat. Celle-ci avait négocié une entente avec l’établissement de son choix, mais elle craint aujourd’hui que l’entente ne devienne caduque, si les règles du jeu changent. « Avoir su que les conditions changeraient — pour le pire sûrement —, j’aurais aussi postulé à Montréal, où j’avais des perspectives intéressantes. »
Cette dernière devait débuter sa pratique en janvier, mais devant l’incertitude, elle a réussi à étirer son stage pour maintenir un salaire en attendant le dégel. Elle regrette toutefois de ne pouvoir offrir une « réelle contribution » auprès de ses collègues qui l’attendent impatiemment.
Le Dr Jean-François Clément a été « chanceux ». Après s’être battu pendant des jours pour obtenir son « bout de papier », il a réussi à trouver une façon de commencer sa pratique, comme prévu, la semaine prochaine, dans un hôpital de la Montérégie où 240 patients l’attendent. « C’est totalement absurde comme situation, affirme-t-il en entrevue. Moi, mon problème est réglé, mais tous ne seront pas aussi chanceux que moi. » Pour lui, c’est de l’abus de pouvoir du ministre de la Santé, Gaétan Barrette. « Il prend en otage les résidents pour avoir un pouvoir de négociation avec la FMOQ sur les ententes des prochains PREM. C’est plate qu’il fasse ça, parce que tout le monde est stressé, les résidents ne savent toujours pas où ils vont travailler, et c’est quand même une étape assez stressante pour un résident de savoir où il va travailler. »
À la FMOQ, on espère régler le problème « avant Noël », répond le porte-parole Jean-Pierre Dion. « En ce moment, on ne croit pas qu’il y ait d’impact majeur sur le terrain, mais on est conscient qu’il peut y en avoir si on étire trop. Et au-delà de ça, on est conscient qu’on travaille avec des gens qui ont une vie professionnelle et personnelle à organiser. »
Au ministère de la Santé, on répond que « rien n’est suspendu, mais plutôt retardé vu [des] modalités qui doivent être renégociées ».
Au cabinet du ministre Gaétan Barrette, on répète qu’on est toujours dans les délais. « Normalement, on a jusqu’au 15 janvier, répond l’attachée de presse du ministre, Joanne Beauvais. Dans les habitudes, ils étaient peut-être habitués à les avoir avant, mais on n’est pas en retard […]. Il n’y a personne de pris en otage. Il n’y a pas de stratégie, c’est juste qu’il faut que le travail se fasse correctement. »