Barrette dit qu’il normalise l’offre

«Ce n’est pas de la médecine à deux vitesses, au contraire, je facilite l’accès», prétend le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne «Ce n’est pas de la médecine à deux vitesses, au contraire, je facilite l’accès», prétend le ministre de la Santé, Gaétan Barrette.

Accusé de toutes parts de vouloir privatiser en douce le système de santé en autorisant les frais accessoires, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, se défend d’instaurer un système à deux vitesses.

« Ce n’est pas de la médecine à deux vitesses, au contraire, je facilite l’accès, répond le ministre en entrevue téléphonique. La médecine à deux vitesses, elle existe déjà dans le sens où les gouvernements, historiquement, réduisent l’accès par le contrôle de l’offre, ça a toujours été comme ça, alors que moi, dans une certaine mesure, je normalise l’offre. Je n’ai pas d’argent pour mettre ça dans le système public et si je l’empêche [la facturation de frais accessoires], je limite l’accès. Alors pour moi, il y a la vitesse zéro et la vitesse normale. Moi, je m’en vais vers la vitesse normale. »

Si tout le monde s’entend pour dire qu’il était plus que temps que le gouvernement règle le problème des frais accessoires, la manière de s’attaquer au problème est fortement critiquée. « C’est inacceptable, l’autorisation des frais accessoires vient bafouer le droit à la santé pour tous, dénonce Francis Livernoche, secrétaire-trésorier du regroupement Médecins québécois pour un régime public. Si on veut rester dans l’esprit de la Loi canadienne sur la santé, toute tarification constitue une barrière tarifaire qui limite l’accessibilité des soins. Cela vient consacrer un système à deux vitesses dans lequel celui qui a plus d’argent va pouvoir avoir un accès plus rapide à des soins de santé. C’est une attaque frontale au principe de gratuité du réseau public. »

Il estime que le ministre est « habile » dans sa présentation des faits et le choix des mots. « Il dit qu’il veut protéger le public des abus [en balisant les frais accessoires], mais pour nous, il vient juste autoriser un abus. La meilleure façon de protéger les patients, c’est de s’en tenir au coût réel du service sans extra. »

Doublement payé?

 

L’avocat Cory Verbauwhede, qui pilote l’action collective contre les frais accessoires, s’indigne d’entendre le ministre affirmer que les Québécois ont accepté l’idée de payer pour obtenir un soin en cabinet. « Comment peut-il dire que les patients acceptent ça alors qu’il y a une action collective qui a été déposée contre lui sur cette question il y a un an, qu’il y a des centaines de personnes qui ont envoyé leurs factures, qu’il y a des plaintes au Collège des médecins », s’emporte-t-il.

Selon lui, les Québécois sont plutôt « choqués » de se voir facturer pour un service qu’ils payent déjà à travers la rémunération des médecins, qui est majorée lorsqu’ils pratiquent en cabinet. Questionné à cet effet, le ministre répond que les frais accessoires vont couvrir des frais d’exploitation non couverts par ce supplément négocié avec les fédérations. « Le frais accessoire n’existe pas pour payer deux fois la secrétaire ou la table d’examen [déjà couverts dans la rémunération des médecins], mais pour payer ce qui est propre à une vasectomie, par exemple. »

Chez les oppositions à Québec, on promet une bonne bagarre. « Je pense que là, c’est la privatisation du système de santé qui se dessine, affirme Diane Lamarre du Parti québécois. On va demander des redressements et des réponses. Il va avoir à se justifier et à s’expliquer, parce que c’est majeur ce dossier-là. »

Pour Amir Khadir, de Québec solidaire, ce n’est rien de moins que « l’aveu de l’échec de cette idée que c’était plus efficient et moins coûteux de recourir aux cliniques privées ». Il répète qu’il serait plus avantageux pour tous si Québec finançait les CLSC plutôt que cliniques privées.

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