Au tour des médecins spécialistes de négocier

L'entente a été annoncée lundi par le ministre Gaétan Barrette et le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Dr Louis Godin.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L'entente a été annoncée lundi par le ministre Gaétan Barrette et le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, Dr Louis Godin.

Encouragés par l’entente entre la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, les médecins spécialistes espèrent eux aussi arriver très bientôt à trouver une solution pour échapper au projet de loi 20.

« On discute avec son équipe [du ministre de la Santé], soutient la présidente de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la Dre Diane Francoeur. Avec les médecins omnipraticiens, ça a été assez efficace, on souhaite nous aussi avoir la même compréhension du ministre sur la possibilité d’arriver à des résultats qui feront l’affaire des deux parties. »

Elle convient qu’il faudra encore « plusieurs rencontres » avant d’obtenir un résultat — la prochaine étant fixée au 4 juin —, mais elle a bon espoir d’y arriver rapidement. « L’an dernier, lorsqu’on a étalé l’entente, tout a débloqué la dernière semaine alors que ça faisait six mois qu’on se rencontrait. Tout dépend de la volonté du ministre à régler. »

Lors de la conférence de presse commune de la FMOQ et du ministre Gaétan Barrette lundi, ce dernier a envoyé une flèche directe à la présidente de son ancienne fédération. « La FMSQ reste assise chez elle […] ils ont leur réflexion à faire et peut-être qu’ils verront la lumière qui a été vue par la FMOQ. Peut-être que la FMOQ pourrait donner des conseils à la FMSQ. »

En entrevue au Devoir, la Dre Francoeur s’est dite « surprise de l’impatience du ministre », mais reste tout de même optimiste. « Le fait qu’il ait réussi à avoir une entente avec la FMOQ alors que les enjeux étaient beaucoup plus grands, ça nous rassure, ça veut dire que s’il veut régler, c’est sûr qu’on va arriver à une entente. »

 

Entente quantifiée

Les médecins de famille s’engagent à prendre en charge 85 % de la population du Québec avec un taux d’assiduité de 80 %. Mais ils n’auront pas à s’y soumettre de façon individuelle avec des quotas et des pénalités, comme le prévoit le projet de loi 20. Le président de la FMOQ parle d’un engagement « collectif » de ses membres. Des incitatifs financiers seront déployés l’an prochain pour amener les médecins à voir un minimum de 500 patients.

Pour y arriver, les médecins vont déployer six solutions alternatives mises en avant lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 20. On parle notamment de l’abolition graduelle des activités médicales particulières (AMP), qui obligeaient les médecins à faire un certain nombre d’heures à l’hôpital, du réaménagement des plages horaires des médecins pour laisser des plages vides pour les rendez-vous urgents de dernière minute, de même qu’une meilleure interdisciplinarité. Pour le ministre Barrette, ces solutions ont « une portée et un objectif qui vont à 100 % dans l’esprit et la direction que nous voulions avec le projet de loi 20 ».

Il donne aux médecins jusqu’au 31 décembre 2017 pour « livrer la marchandise », sans quoi il fera appliquer le projet de loi 20, dont l’étude article par article commence ce mardi matin à l’Assemblée nationale. « Le projet de loi 20 doit aller de l’avant, c’est le moteur de tout ça, a soutenu le ministre. Mon rêve, c’est que le projet de loi 20, qui deviendra peut-être une loi, ne s’applique jamais. Et il ne s’appliquera pas pour les médecins de famille s’ils livrent ce qui est proposé par le président [de la FMOQ], c’est simple comme ça. »

 

Réactions

Plusieurs groupes, dont le Collège des médecins et le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU), se sont réjouis de cette entente. L’avocat Jean-Pierre Ménard, spécialisé en droit de la santé, estime pour sa part que cette entente « bénéficie davantage aux médecins qu’aux patients ».

À Québec, les trois partis d’opposition ont des doutes sur la finalité de cette entente, soutenant qu’il faut changer le mode de rémunération des médecins, sans quoi les coûts vont exploser. « On n’a rien sur le mode de financement, sachant que rémunérer à l’acte risque logiquement de faire en sorte que tout nous coûte plus cher », dénonce François Paradis, de la CAQ. Diane Lamarre, porte-parole en matière de santé pour le Parti québécois, s’indigne également de voir le ministre « utiliser le processus législatif [...] comme levier de négociation ».

De son côté, Amir Khadir, député de Québec solidaire, estime qu’il est « trop limité et réducteur » de faire une entente avec un seul groupe de médecins plutôt qu’avec l’ensemble de la profession, qui doit être invitée à participer pour améliorer l’accès aux soins.

« La FIV tassée »

Mais le groupe qui a le plus de craintes, c’est sans doute l’Association des couples infertiles du Québec, qui a milité contre la portion du projet de loi visant la fécondation in vitro. « On aurait aimé faire une annonce de presse comme on a vu ce matin avec le ministre, mais, encore une fois, on voit que les médecins de famille, c’est le gros du dossier, et l’aspect de la fécondation in vitro est tassé », déplore la présidente Virginie Kieffer Balizet.

Questionné sur le sort réservé à cette portion du projet de loi 20, le ministre s’est fait vague. « Il y aura des choses qui seront annoncées dans les prochains jours. »

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