Québec s’essaie à la manière douce avec les médecins

Le ministre Gaétan Barrette s’apprête à donner une chance aux médecins omnipraticiens d’appliquer leurs propres solutions pour améliorer l’accès aux soins en remplacement du projet de loi 20. Ce dernier pourrait tout de même être adopté, mais avec une mise en application restreinte ou retardée, a appris Le Devoir, ce qui donnerait au ministre un certain levier pour obliger les médecins à des résultats.
Depuis le dépôt du projet de loi 20 l’automne dernier, le ministre Gaétan Barrette a répété à maintes reprises qu’il était ouvert à considérer d’autres options si on lui proposait des solutions qui donnent « des garanties de résultat ». Son but, répète-t-il, est d’améliorer l’accès aux soins de santé pour la population, particulièrement en première ligne. Et le projet de loi 20 était l’outil ultime pour y arriver, en menaçant les médecins de couper leurs prestations de 30 % s’ils ne voyaient pas un minimum de patients.
En commission parlementaire, à la mi-mars, le président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), le Dr Louis Godin, très opposé au projet de loi 20, a présenté une liste de six propositions qui ont eu l’oreille du ministre (voir l’encadré ci-contre). Les deux parties sont en négociation depuis, et la FMOQ a bon espoir d’en arriver à une entente d’ici la fin du mois de mai.
Ce n’est donc pas du projet de loi 20 dont il est question à la table de négociations, mais bien des propositions amenées par les médecins de famille eux-mêmes, dont l’abolition graduelle des activités médicales particulières (AMP) — une mesure mise en place au tournant des années 1990 qui oblige les médecins à consacrer un certain nombre d’heures de pratique dans les hôpitaux — et la création de nouvelles supercliniques pour désengorger les urgences.
« On ne négocie pas le projet de loi 20, on négocie la mise en place de nos mesures alternatives, confirme Jean-Pierre Dion, porte-parole de la fédération des médecins omnipraticiens. [Ce dont on discute] ce sont les conditions pour mettre en place ces mesures alternatives, parce que c’est quand même complexe. Ça peut être simple dans un document ou un mémoire, mais dans la vraie vie, ça a des impacts sur le terrain. C’est l’atterrissage de cela dont on discute. »
L’avenir du PL20
Or, la mise en place des mesures proposées par la FMOQ n’est pas compatible avec le projet de loi 20, affirme-t-il. « Ce qu’on demande, c’est que si on se donne les moyens pour que nos mesures soient mises en place, c’est évident qu’on ne peut pas avoir un projet de loi 20 dans les pattes qui est en vigueur ou qui s’applique. Le reste, ce que le gouvernement va faire pour que le projet de loi 20 ne s’applique pas, potentiellement, ça, on ne contrôle pas cette partie-là. »
Selon ce qu’a pu apprendre Le Devoir, le ministère évalue différents scénarios pour faire adopter tout de même le projet de loi afin d’avoir une « garantie » que les médecins arriveront avec des résultats concrets, soit une prise en charge de plus de patients d’ici la prochaine élection. Il laisserait ainsi les médecins tester leurs propositions avec la possibilité d’imposer le projet de loi 20 s’ils n’arrivent pas aux résultats promis. L’une des options est d’adopter la loi sans promulgation, ce qui veut dire qu’elle ne serait tout simplement pas appliquée. Une autre option est de renvoyer les articles plus contraignants aux textes de règlements, qui peuvent être adoptés et modifiés plus tard au fil des négociations ou selon les besoins.
Vote en conseil général
En conseil général, samedi dernier, la Fédération a voté sur les grands principes qui pourraient constituer la base de cette entente, à savoir les paramètres à l’intérieur desquels elle pourrait accepter une entente avec le gouvernement. La FMOQ refuse de rendre publique cette résolution, mais son porte-parole répète qu’il s’agit de principes et non d’une entente en bonne et due forme avec le ministère.
Dans une lettre envoyée aux membres en début de semaine, le président de la fédération, Louis Godin, rappelle que les discussions avec le ministère ne portent pas sur le projet de loi 20, mais il les prévient toutefois que « les représentants de la FMOQ ne siègent pas à l’Assemblée nationale et n’ont pas encore le pouvoir de voter ou de rejeter des lois ».
L’attachée de presse du ministre Gaétan Barrette, Joanne Beauvais, a refusé de commenter les négociations en cours et l’avenir du projet de loi 20. « L’étude du projet de loi 20 suit son cours, mais nous ne ferons pas la négociation sur la place publique », a-t-elle répondu par courriel.
Les propositions de la FMOQ

Accès adapté : réaménagement de l’horaire des médecins pour laisser des plages horaires libres pour les rendez-vous urgents de dernière minute.
Collaboration interprofessionnelle : regrouper médecins de famille, infirmières, psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, etc. au sein d’une même clinique.
Création d’une centaine de supercliniques pour les consultations semi-urgentes.
Informatisation des dossiers médicaux.
Engagement à prendre plus de patients sans exiger de ressources financières supplémentaires.