Un pas de plus vers des sites d’injection supervisée
Attendu depuis des années, le projet de sites d’injection supervisée de Montréal vient de franchir une nouvelle étape en obtenant l’appui de Québec. Si les promoteurs se réjouissent, ils savent que la bataille est loin d’être gagnée, car il reste à convaincre Ottawa, ce qui s’annonce un processus long et ardu.
Un an après son arrivée en poste, la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, a donné son aval au projet de services d’injection supervisée de Montréal. Une lettre d’appui a été envoyée au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Est-de-l’Île-de-Montréal, qui pilote le projet. Celui-ci pourra maintenant envoyer à Santé Canada une demande d’exemption à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. « Il nous reste des étapes importantes à franchir avant l’implantation du projet de services d’injection supervisée à Montréal, a soutenu la ministre par voie de communiqué. Cependant, je suis d’ores et déjà convaincue qu’il sera bénéfique pour tous. Il aura des effets positifs sur la santé des utilisateurs de drogues par injection, en plus de maintenir la sécurité et la qualité de vie de la population environnante des sites. »
Louis Letellier de St-Just, l’un des fondateurs de l’organisme Cactus, se réjouit de l’annonce, bien qu’il déplore le temps qu’il aura fallu à la ministre pour se décider, ayant le dossier en main depuis décembre 2013. « On attend cette annonce depuis longtemps, on comprend qu’il y a eu un changement de gouvernement, mais la machine est lente, faut-il croire. Et pendant ce temps, au printemps-été 2014, on a eu plus de 80 cas de surdoses à Montréal, dont 25 personnes qui y ont laissé leur peau. Si nous avions des politiques plus ouvertes, probablement que tout cela ne serait pas arrivé. »
Mettre de la pression
Bon joueur, il ajoute qu’il « n’est jamais trop tard ». Il espère toutefois que Québec ira au-delà des belles paroles et talonnera le gouvernement fédéral pour qu’il donne suite au projet. « Il y a bien des choses d’écrites dans le communiqué, mais là, on va faire appel à la sincérité de la ministre. Si on voit que le dossier traîne au fédéral — et il faut s’attendre à cela —, je m’attends à ce que mon gouvernement fasse des représentations sérieuses. »
À la direction de la santé publique du CIUSSS du Centre-Est-de-l’Île-de-Montréal, la Dre Carole Morissette, qui coordonne le dossier des sites d’injection supervisée, envisage elle aussi « un long chemin » pour obtenir l’autorisation du fédéral. Elle donne l’exemple du centre d’injection supervisée de Vancouver, qui attend une exemption depuis plus d’un an. Il y a aussi le projet de loi C-2, en deuxième lecture au Sénat, qui risque de compliquer les choses en exigeant des preuves de l’acceptabilité sociale du projet par la communauté.
Le maire de Montréal, Denis Coderre, qui appuie le projet, estime qu’une campagne de sensibilisation sera nécessaire. « Ce n’est pas évident ni facile. Vous allez avoir des gens qui vont dire “ pas dans ma cour ”, mais c’est vraiment une question de santé publique et de sécurité publique ».
Questionnée sur le temps qu’il aura fallu à la ministre Charlebois pour accepter le projet, son attachée de presse, Alexandra Bernier, soutient qu’il s’agit d’un « projet d’envergure » pour lequel « plusieurs aspects devaient être analysés », notamment en matière d’acceptabilité sociale. Quant au financement du projet, elle répond que les budgets suivront une fois que le projet sera approuvé au fédéral.