Les infirmières réclament plus de pouvoirs

Pour améliorer l’accès des Québécois aux soins de santé, nul besoin d’imposer des quotas aux médecins ou d’autres mesures coercitives du genre, croit la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). L’organisation syndicale demandera plutôt au gouvernement de donner davantage de pouvoir aux infirmières, quitte à en arracher quelques-uns aux médecins, a appris Le Devoir.
Le syndicat, qui regroupe quelque 65 000 professionnels de la santé, pour l’essentiel des infirmières, ne voit pas dans la réforme proposée dans le projet de loi 20 du ministre Gaétan Barrette de solutions efficaces afin de désengorger le réseau de la santé, selon le mémoire que doit déposer mercredi la FIQ en commission parlementaire, dont nous avons obtenu copie.
Contrairement à d’autres provinces canadiennes, comme l’Ontario, le Québec concentre encore trop de responsabilités dans les seules mains des médecins et gagnerait à accroître les pouvoirs des infirmières et des infirmières praticiennes, notamment en matière de prescriptions, estime l’organisation syndicale. S’il n’en tient qu’à elles, les infirmières pourraient ainsi prescrire des médicaments à la suite d’un diagnostic médical tel que l’eczéma, les hémorroïdes, l’herpès buccal, ou certaines infections, urinaires ou aux oreilles par exemple. Les infirmières cliniciennes souhaitent aussi pouvoir prescrire 16 examens tels que des analyses d’urine ou encore des tests PAP. Le dépistage d’infections transmissibles sexuellement et par le sang et la prescription d’antibiotiques pour y remédier est l’un des domaines où la présence d’un médecin n’est pas absolument nécessaire, soutient le mémoire.
« Pour régler les problèmes de première ligne, il faut former davantage d’infirmières praticiennes spécialisées. Elles peuvent prescrire ou diagnostiquer des choses comme des otites, fournir les antibiotiques nécessaires sans qu’on ait à voir le médecin », croit Régine Laurent, la présidente de la FIQ.
« Ailleurs, cela fait des lunes que des infirmières peuvent faire cela. Il faut permettre aux professionnels de jouer pleinement leur rôle », dit-elle, soulignant que la formation des infirmières praticiennes est paradoxalement plus étendue que dans les autres provinces même si leur rôle est davantage restreint par Québec. Mme Laurent déplore par ailleurs les degrés très variables d’autonomie des « super » infirmières d’une région à l’autre.
Multiplier les lieux de soins
La FIQ juge que Québec devrait en outre « accroître les lieux de pratique de première ligne » à l’extérieur des hôpitaux, notamment dans des cliniques dirigées par des infirmières.
« Ce n’est pas juste au cabinet médical ou à l’urgence, on peut aider ailleurs », affirme Mme Laurent.
Ces diverses mesures vont plus loin que le passage du projet de loi 20 consacré aux responsabilités des infirmières. Cette section prévoit notamment une autonomie accrue en ce qui a trait aux soins des plaies.
De l’avis de Mme Laurent, les neuf propositions de la FIQ permettraient de réduire considérablement les temps d’attente en permettant aux médecins de se concentrer sur ce qui nécessite réellement leur présence. Cette proposition risque toutefois de ne pas convenir aux médecins, reconnaît la fédération, qui souligne l’existence de « résistances » et de « barrières maintenues par le corps médical ». La rémunération à l’acte des médecins pourrait y être pour quelque chose.