Québec prête le flanc à des poursuites, croit l’avocat Jean-Pierre Ménard

Le projet de loi 20 risque de se heurter à une contestation juridique puisque plusieurs dispositions concernant la procréation médicalement assistée vont à l’encontre des chartes québécoise et canadienne et du Code civil, prévient l’avocat Jean-Pierre Ménard.
« C’est clair que ça peut soulever des contestations, répond le célèbre avocat des patients, Jean-Pierre Ménard, en marge de la commission parlementaire sur le projet de loi 20 où il était invité à témoigner mercredi. Je ne sais pas quelles sortes d’avis juridiques le ministre a eus, mais n’importe quel juriste qui regarde ça va tout de suite dire qu’il semble y avoir un problème. »
Me Ménard a mis en garde le ministre Gaétan Barrette sur les débats légaux qui l’attendent s’il va de l’avant avec son controversé projet de loi. « Nous invitons fortement le gouvernement à se questionner sur le potentiel discriminatoire de ces dispositions », écrit-il dans son mémoire. Selon lui, plusieurs articles imposent « une distinction fondée sur l’âge, l’orientation sexuelle et le statut social », ce qui est contraire à la Charte canadienne et à la Charte des droits et libertés de la personne.
Il fait référence à l’article qui dit qu’un couple ayant besoin d’une tierce personne pour procréer — comme c’est le cas généralement pour les couples homosexuels — devrait se soumettre à une évaluation psychosociale, de même qu’à l’article interdisant aux femmes de plus de 42 ans d’avoir recours à la fécondation in vitro (FIV), et ce, même si elles choisissent de le faire à leurs frais. « C’est une restriction qui porte clairement atteinte aux droits de la femme et à la liberté de sa personne, a plaidé l’avocat. On vient d’avoir le jugement Carter de la Cour suprême sur l’aide médicale à mourir qui a redéfini et précisé encore la portée du droit à la liberté : c’est le droit d’une personne de prendre pour elle des décisions fondamentales. En matière de reproduction humaine, on est exactement là-dedans. Et l’État ne doit pas s’ingérer dans ces processus-là sans impératif majeur. »
Vie privée
Me Jean-Pierre Ménard croit également que le gouvernement porte atteinte à la vie privée des couples infertiles lorsqu’il légifère sur le nombre de relations sexuelles que celui-ci doit avoir avant d’avoir recours à la procréation assistée.
En ce qui concerne l’article interdisant à quiconque oeuvrant dans le secteur de la santé ou des services sociaux de diriger une personne vers une clinique de procréation assistée à l’extérieur du Québec pour y recevoir des services, il estime qu’il s’agit d’un « article extrêmement sensible » qui contrevient au droit à l’information et au consentement libre et éclairé prévu au Code civil du Québec et au Code de déontologie des médecins. « Cette disposition nous ramène à l’époque où la diffusion d’information au sujet de la contraception et de l’avortement était interdite. Va-t-on aussi voir une clandestinité et un trafic d’information sur la procréation ? »
Centres universitaires en péril
La commission a également entendu les représentants du CHU Sainte-Justine qui a ouvert un centre de procréation assisté il y a moins de deux ans à la demande de Québec. Bien qu’ils soient conscients de « l’importance d’établir des balises » au programme de procréation médicalement assistée, les docteurs Élias Dahdouh et Louise Duperron estiment que « ce projet de loi pourrait, à la limite, mettre en péril les programmes de procréation assistée dans les centres hospitaliers universitaires ».
Ils affirment par ailleurs que pour protéger la santé des femmes et des enfants en maintenant un bas taux de grossesses multiples, liées à des complications, il faut que la fécondation in vitro soit « disponible et abordable pour tous les couples infertiles du Québec ».