Médecins: une facture de 2,3 milliards

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette

Québec a reporté la plus grande part du fardeau des hausses de rémunération des médecins sur les épaules d’un prochain gouvernement.

Le Devoir a appris que la facture des augmentations à verser aux médecins d’ici 2021-2022 est de près de 2,3 milliards de dollars. De plus, 75 % de cette somme, c’est-à-dire plus de 1,7 milliard, est à verser après 2017-2018, soit après les prochaines élections.

En plus, après mars 2015, les médecins se verront octroyer des augmentations au moins aussi importantes que celles qui seront négociées avec les syndiqués des secteurs public et parapublic. C’est ce que leur a promis Québec.

Les ententes avec les fédérations médicales venaient à échéance en mars 2015. Les sommes en jeu ont été étalées jusqu’en 2021-2022 au terme de houleuses négociations cet automne. Cela doit permettre au gouvernement d’atteindre l’équilibre budgétaire à court terme. La rémunération des médecins est gelée pour l’année financière 2014-2015.

Comme un achat à crédit, c’est plus tard que la facture devra être honorée, sans l’inconvénient des intérêts. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, est bien conscient de ce choix, explique son attachée de presse. « On estime faire une économie pour les quatre prochaines années de 1,8 milliard », précise Joanne Beauvais.Elle convient « qu’il faudra payer plus tard. Mais ça nous permet d’atteindre l’équilibre budgétaire ».

Le ministre soutenait cet automne que c’est une somme de 1,2 milliard qu’il devait étaler, et non pas 2,3 milliards. Cette différence d’interprétation tient à ce que certains montants étaient dus pour des années passées, notamment pour l’année financière 2013-2014, selon Mme Beauvais.

Les détails sont contenus dans les ententes survenues cet automne entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et les deux grandes fédérations médicales, que Le Devoir a obtenues. Ces accords font le décompte des augmentations à verser aux médecins pour les prochaines années, des précisions que ni le ministre ni les fédérations n’avaient souhaité dévoiler, fin septembre, au moment de parapher les documents.

Des sommes importantes

 

Dans le présent mandat libéral, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) a obtenu de toucher environ 60 % des sommes récurrentes qui lui étaient dues et 6 % des sommes non récurrentes, pour un total de près de 185 millions de dollars. L’excédent, plus de 800 millions, est reporté aux années financières s’échelonnant de 2018-2019 à 2021-2022.

L’enveloppe consacrée au paiement des médecins de famille passera de près de 2,3 milliards pour l’année financière 2014-2015 à 3,1 milliards en 2022-2023, une croissance de 34 % sur huit ans. Cela inclut toutefois une augmentation des coûts en raison de l’arrivée de nouveaux diplômés sur le marché du travail.

Du côté de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), ses membres toucheront un plus grand pourcentage des sommes qui leur sont dues dans le présent mandat du gouvernement libéral, soit environ 70 % des sommes récurrentes et 10 % des sommes non récurrentes. La facture est de 391,3 millions d’ici 2017-2018, et de 908,9 millions de 2018-2019 à 2021-2022.

La FMSQ a en outre accepté de renoncer à certaines sommes en 2021-2022, un effort que la présidente Diane Francoeur chiffrait à 350 millions cet automne.

Des promesses

 

En plus de ces sommes, Québec a aussi promis aux médecins des augmentations au moins égales à celles qui seront octroyées aux syndiqués des secteurs publics et parapublics, précisent les ententes. C’est que dès mars 2015, les deux fédérations médicales entament une ronde de négociations en vue du renouvellement de leurs ententes, tout comme les syndicats entreprennent les leurs en vue du renouvellement de leurs conventions collectives.

Québec s’engage dans un difficile processus de négociation avec ses syndiqués. Pour l’instant, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a offert un gel salarial de deux ans aux employés des secteurs public et parapublic, lequel serait suivi d’augmentations de 1 % pour chacune des trois années suivantes.

Il doit être prêt à accorder au moins autant aux médecins, dont l’enveloppe de rémunération globale est actuellement de 6,2 milliards.

Les médecins pourront aussi négocier davantage que la fonction publique, précisent les documents obtenus par Le Devoir. « Mais comme ils auront obtenu toutes les sommes permettant un rattrapage avec le reste du Canada, il n’y aura plus de raison de leur donner des augmentations importantes pour les garder ici », précise Joanne Beauvais.

Le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, affirme que les médecins ne « sortent pas gagnants » avec cette entente d’étalement. « Nous sauvons les meubles. L’effort est significatif. Nous allons notamment perdre en raison de l’inflation. Mais nous devions être réalistes : Québec nous réservait probablement le même sort qu’aux pharmaciens si nous ne nous entendions pas », explique-t-il. En effet, cet automne, un projet de loi a amputé unilatéralement la rémunération versée par la RAMQ aux pharmaciens en officine.

Des priorités

 

Les fédérations médicales ont accepté de prioriser certains secteurs avec les sommes qui seront versées ces prochaines années.

Du côté de la FMOQ, seront priorisées d’un commun accord l’implantation d’un mode de rémunération mixte, la bonification de la rémunération dans le secteur des urgences et l’implantation de nouvelles nomenclatures dans les cabinets privés et à domicile. D’autres priorités pourront être établies par la suite en fonction des montants restants.

Les spécialistes, eux, réservent des sommes pour la garde en disponibilité surprarégionale en neurologie pour l’accès au traitement par téléthrombolyse, pour la rémunération des médecins spécialistes coordonnateurs en don et en transplantation d’organes et de tissus et pour la lettre d’entente concernant le projet pilote du Centre de prélèvement d’organes de l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.



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