Le ministre Barrette exige que l’agence de Montréal fasse demi-tour

Les compressions de près de 100 millions exigées par le gouvernement devront se faire sans toucher aux services, dit le ministre de la Santé Gaétan Barrette.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Les compressions de près de 100 millions exigées par le gouvernement devront se faire sans toucher aux services, dit le ministre de la Santé Gaétan Barrette.

Le premier ministre Philippe Couillard et le ministre de la Santé Gaétan Barrette ordonnent à l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (ASSS) de renoncer aux compressions envisagées dans les services aux plus démunis.

Comme Le Devoir l’a notamment révélé lundi, l’agence envisage d’effectuer des compressions de 9,1 millions de dollars dans les soins de santé mentale, de 8,8 millions dans le soutien à l’autonomie des aînés et de 2,3 millions dans l’aide aux personnes atteintes de déficience intellectuelle. Au total, l’ASSS prévoit de retrancher plus de87 millions pour répondre aux exigences du gouvernement de redresser les finances publiques.

En apprenant dans les médias le plan de réduction de l’ASSS, le premier ministre Philippe Couillard a indiqué qu’il était « inacceptable » que l’agence montréalaise fasse des compressions aux dépens des personnes vulnérables. « Il n’est pas question, pour nous, d’accepter ce genre de scénario de quelque organisme public que ce soit », a-t-il dit.

Le ministre Barrette a affirmé, pour sa part, que les compressions de l’agence ne correspondent pas aux objectifs « d’optimisation » qu’il a fixés dans le réseau de la santé. Il a soutenu qu’il avait clairement demandé dans ses directives de ne pas couper dans les services, même s’il doit y avoir une diminution de personnel. « Une coupure de services, ce n’est pas acceptable et ça vaut autant pour Montréal que pour le reste de la province », a-t-il affirmé en rappelant que Montréal reçoit déjà des sommes supplémentaires en raison de sa population et de sa situation socio-économique. « Cela dit, par-dessus ça, parfois il y a des coûts qui sont plus grands, et on demande de l’optimisation à Montréal, ce qui fait donc qu’il y a des choses qui sont réduites. »

Mais où l’agence devra-t-elle couper si elle ne peut toucher aux services alors que le gouvernement, lui, exige toujours de faire des compressions de l’ordre de 100 millions ? La direction de l’ASSS a refusé de commenter la situation en précisant « qu’elle attend d’avoir plus d’informations et d’échanges pour avoir le portrait global ».

« Perdu le contrôle »

À Québec, les partis d’opposition ont par contre vivement réagi aux éventuelles compressions dans les services aux plus démunis. Le chef intérimaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, considère que le gouvernement Couillard a « perdu le contrôle. »« Ils ne savent plus ce qui se passe sur le terrain. Ils ne savent pas les conséquences des décisions qu’ils prennent. Et ils disent : ce n’est pas de ma faute, c’est la faute des fonctionnaires », a-t-il noté lors de la période de questions à l’Assemblée nationale.

La députée de Québec solidaire Françoise David constate aussi que le gouvernement Couillard ne semble pas réaliser l’impact de ses compressions sur la population et les plus vulnérables. « Nous ne pouvons pas croire qu’à chaque fois, le premier ministre, ses ministres ne savent pas. Jusqu’où iront-ils pour atteindre le déficit zéro à tout prix ? » a-t-elle demandé.

La présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Carolle Dubé, estime que le recul partiel du gouvernement Couillard est « la moindre des choses » d’autant plus que le ministre Barrette était au courant depuis l’été des compressions à venir dans les services à l’ASSS. « Le ministre se réveille bien tard. Les compressions à Montréal ont été annoncées au conseil d’administration de l’agence en juin dernier. Si ce n’était pas sorti dans les médias, le ministre serait-il intervenu ? » questionne-t-elle en ajoutant que le ministre a « failli à sa mission » de protéger les plus vulnérables.

Le premier ministre Couillard soutient plutôt que cet épisode démontre « l’urgence de se débarrasser d’une partie des structures de gestion du système de santé pour prendre les ressources et les donner aux patients ». La semaine dernière, le ministre Barrette a déposé le projet de loi 10 qui vise à abolir 18 agences de santé régionales et à fusionner 180 services administratifs pour n’en conserver qu’un seul par région.

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