Assurance autonomie - Toute privatisation ne se fait pas sans danger

Pierre Vallée Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé - Réseau

Dans sa forme actuelle, le projet du gouvernement du Québec consistant à créer une caisse autonomie qui servirait à bonifier les soins à domicile et les soins de longue durée aux personnes âgées soulève de nombreuses questions, selon la FTQ. Ces questions se retrouvent dans le mémoire présenté par la FTQ en commission parlementaire.

Au premier chef, la centrale syndicale craint que le projet actuel ne mène à une privatisation accrue des soins de santé au Québec. « La privatisation des soins de santé est déjà une réalité, souligne Marco Lufty, du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), affilié à la FTQ. Présentement, le système de santé public est incapable de répondre à toutes les demandes en soins à domicile. De plus, il devient difficile de trouver une place en CHSLD puisqu’on a supprimé des lits. Les personnes qui ont besoin de ces services doivent soit attendre, ce qui pèse lourd sur les aidants naturels, soit acheter ces services dans le secteur privé, si évidemment elles en ont les moyens. Le projet actuel, qui veut arrêter la construction de nouveaux CHSLD, transférer de plus en plus certaines responsabilités aux résidences privées et confier l’aide domestique aux entreprises d’économie sociale, ne fait qu’accentuer cette tendance. »

Organisation du système de santé

La FTQ croit que le temps est venu de regarder de près l’organisation des soins de santé auprès des personnes âgées et que le projet d’assurance autonomie devrait être l’occasion de le faire. « Présentement, on oppose les CHSLD aux soins à domicile, on démonise les premiers et on encense les deuxièmes, souligne Marco Lufty. Mais ça ne tient pas la route, car nous avons besoin des deux. Si les CHSLD n’offrent plus un cadre de vie satisfaisant, c’est que l’État a éliminé les unités spécialisées qui s’occupaient des cas plus lourds, comme ceux liés à la maladie d’Alzheimer, ce qui rendait le cadre de vie plus agréable pour les autres résidents. »

La FTQ avance aussi, dans son mémoire, que les soins de santé aux personnes âgées devraient être davantage gradués, allant des soins à domicile, qui comprennent l’aide domestique, l’aide à la vie quotidienne et certains soins infirmiers, à des mesures intermédiaires, qu’on ne trouve pas présentement au Québec sauf dans le secteur privé, et à l’hébergement en résidence dans le secteur public. Cette façon de procéder aurait l’avantage d’assurer un continuum dans les soins de santé offerts aux personnes âgées.

Main-d’œuvre

Une autre question soulevée par le mémoire de la FTQ est celle de la qualité de la main-d’œuvre. Présentement, tous les préposés aux bénéficiaires qui travaillent auprès de personnes âgées dans le réseau public, que ce soit en soins à domicile ou en CHSLD, doivent détenir un diplôme d’études professionnelles (DEP). « Mais ce diplôme n’est pas exigé dans le secteur privé ni dans celui de l’économie sociale. Nous croyons que le gouvernement devrait légiférer afin d’exiger que tous les préposés aux bénéficiaires, peu importe leur employeur, aient ce diplôme. Autrement, comment s’assurer que les soins seront partout de la même qualité ? »

L’idée de confier de plus en plus de responsabilités aux entreprises d’économie sociale inquiète aussi la FTQ. « Le projet limite la présence des entreprises d’économie sociale à l’aide à la vie domestique, mais, de l’avis même de ces entreprises, de plus en plus de leurs employés sont appelés à poser des gestes d’aide à la vie quotidienne. Peut-on demander à une personne dont la responsabilité est de faire le ménage d’aider un bénéficiaire à s’habiller ou à se déplacer ? Sans formation appropriée, c’est dangereux à la fois pour le bénéficiaire et le préposé. »

De plus, la FTQ milite pour que les conditions de travail des employés des entreprises d’économie sociale soient sérieusement relevées. « Présentement, c’est à pleurer. Les employés des entreprises d’économie sociale gagnent quelques dizaines de sous de plus que le salaire minimum. Le taux de rétention des employés est donc très bas et, par conséquent, le taux de roulement est très élevé, ce qui nuit grandement à la qualité du service. Il faut plutôt rehausser les conditions de travail. »

Financement

Comment entend-on financer cette assurance autonomie ? « S’il y a une chose qui est claire au sujet du financement, c’est que rien n’est clair, avance Marco Lufty. Le gouvernement promet d’investir, d’ici trois ans, 500 millions de dollars en argent neuf dans les soins à domicile et de longue durée. Il entend aussi se servir des 750 millions de dollars qu’il économisera en mettant fin à la construction de CHSLD. Mais c’est nettement insuffisant. 

Présentement, les soins de longue durée coûtent annuellement 2,9 milliards de dollars et ce coût est appelé à grimper dans les années qui viennent. »

Où trouvera-t-on le manque à gagner ? Via une contribution ou une taxe spéciale, comme certains l’envisagent ? « Nous croyons que la meilleure façon de financer cette assurance autonomie est par l’impôt des particuliers. C’est de cette façon que le Québec a toujours financé ses grands programmes sociaux et l’assurance autonomie ne doit pas s’éloigner de cette façon de faire. Les Québécois veulent un système de santé public et ils sont prêts à y contribuer. D’ailleurs, le ministre Hébert nous a récemment donné raison en nous indiquant qu’il se rapprochait de notre position à ce sujet. »


Collaborateur

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo