APTS - Il y a une limite à l’«optimisation des ressources»

Sarah Poulin-Chartrand Collaboration spéciale
L’APTS dénonce le fait que l’assurance autonomie augmentera la charge de travail des personnes concernées.
Photo: - Le Devoir L’APTS dénonce le fait que l’assurance autonomie augmentera la charge de travail des personnes concernées.

Ce texte fait partie du cahier spécial Santé - Réseau

De grandes réformes planent sur le secteur de la santé. Parmi les premiers à être touchés : les employés du réseau. L’Alliance du personnel professionnel et technicien de la santé et des services sociaux (APTS) surveille de près les changements qui affecteront la pratique de ses membres.

 

Pour la présidente de l’APTS, Carolle Dubé, en poste depuis 2012, le projet d’assurance autonomie du gouvernement, entre autres, viendra assurément bousculer le travail des employés du réseau de la santé. Ce projet, qui a été débattu en commission parlementaire jusqu’au 19 novembre, vise principalement à développer les soins à domicile pour les personnes âgées et les personnes avec une déficience physique ou intellectuelle, et ce, dès l’an prochain.

 

Il est présenté par le ministre de la Santé, Réjean Hébert, comme une manière de s’adapter au vieillissement de la population et de répondre au désir de choisir son lieu de vie, tel qu’exprimé par les aînés. Le projet d’assurance autonomie vise aussi à corriger des iniquités dans le financement des soins aux aînés, révélées par le vérificateur général lors des consultations publiques.

 

« L’assurance autonomie veut améliorer les soins à domicile, avance Mme Dubé. Mais, inévitablement, on augmente la charge de travail des employés concernés. » Pour elle, cette nouvelle mesure s’inscrit dans ce qu’on appelle maintenant, dans le réseau de la santé, l’« optimisation des ressources ». « On demande plus aux gens, sans augmenter les ressources humaines ni les ressources financières. Ce ne sont pas des conditions favorables à l’implantation de nouvelles réformes. Dans ce discours de performance, on va un peu à l’encontre de la qualité des services. On n’est pas dans une chaîne de montage ! », s’indigne Carolle Dubé.

 

Des conséquences sur le travail

 

Concrètement, l’optimisation des ressources a un effet direct sur la manière de travailler des employés du réseau, croit la présidente. On instaure de nouvelles méthodes de travail et des chartes de temps alloué à chaque tâche. Pour Mme Dubé, cela est difficilement conciliable avec le travail avec la population, qui se réduit rarement à une case à cocher ou à un temps limite.

 

« Les employés sont préoccupés par ces changements de pratique et par les compressions, ajoute-t-elle. Elles ont un impact sur les listes d’attente, sur les remplacements et sur les postes qui ne sont pas comblés. Les gens sont à bout de souffle. »

 

Une des conséquences de cet épuisement : plusieurs employés se tournent vers le secteur privé. Le phénomène n’est pas nouveau et est connu du milieu infirmier (qui n’est pas représenté par l’APTS), mais il touche maintenant plusieurs autres catégories d’emploi. Avec pour résultat que le réseau privé se développe au détriment du secteur public, croit la présidente de l’APTS.

 

Certaines professions manquent de ressources, ajoute Carolle Dubé, ou font face à des difficultés de recrutement ou de rétention de la main-d’oeuvre. « Des gens quittent le réseau car ils sont désabusés. Ils trouvent qu’on met plus de l’avant des chiffres, des statistiques, que la qualité des services. »

 

Dans une lettre ouverte publiée dans Le Soleil le 13 novembre dernier, des membres de l’APTS s’inquiétaient des effets sur leur pratique de la mise en place trop rapide de l’assurance autonomie, dans un contexte où « les professionnels de la santé sont déjà sous pression et mobilisés dans un processus d’optimisation de leur performance ».

 

L’APTS surveille aussi le développement des groupes de médecine familiale (GMF) et du volet de prévention du système de santé, qui touchera plusieurs de ses membres.

 

Des solutions?

 

Le système de santé manque cruellement de ressources, la présidente de l’APTS en est bien consciente. Les solutions résident à son avis dans une meilleure organisation des soins. « Les services sont bons, mais il y a un problème d’accessibilité à ces services, par exemple, aux urgences ou sur les listes d’attente. » Elle croit qu’il faut donner à ses membres une plus grande responsabilité et une meilleure reconnaissance.

 

« Tous nos employés sont des diplômés universitaires et techniques, il faut leur laisser une plus grande autonomie. » Ils réfléchissent de leur côté à des solutions, il suffirait de les écouter un peu plus, ajoute-t-elle.

 

Les conditions de travail, si elles sont améliorées, permettraient aussi de ramener la compétitivité du réseau public par rapport au secteur privé, estime Carolle Dubé.

 

L’APTS en bref

 

L’APTS est née en 2004, par suite de la fusion de l’Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec (APTMQ) et de la Centrale des professionnelles et professionnels de la santé (CPS). Elle n’est membre d’aucune organisation syndicale nationale, mais elle a rejoint en 2007 le Secrétariat intersyndical des services publics.

 

L’Alliance représente aujourd’hui 30 000 travailleurs oeuvrant dans le domaine de la santé, dont 85 % sont des femmes. Les membres de l’APTS sont des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des audiologistes, des diététistes, des hygiénistes dentaires ou encore des techniciens en éducation spécialisée. L’APTS rassemble une centaine de titres d’emplois professionnels et techniques qui sont répartis en cinq grands secteurs : nutrition, diagnostic (laboratoires et imagerie médicale), services psychosociaux, réadaptation, prévention et soutien clinique.

 

Les employés affiliés à l’APTS travaillent dans les centres hospitaliers, les centres d’hébergement et les CLSC. Les salaires des membres de l’APTS varient de 36 000 $ à 80 000 $ par année, pour une moyenne de 45 000 $ annuellement, d’après Francis Boucher, conseiller aux communications et aux relations publiques de l’Alliance.

 


Collaboratrice

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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