81e congrès de l'ACFAS - Le tabou du non-allaitement
Québec — Selon une chercheuse, les pressions pro-allaitement sont si fortes que les parents qui nourrissent leur bébé autrement sont laissés pour compte par le système de santé.
Spécialiste de la santé des familles, Francine De Montigny a commencé sa présentation à l’Acfas en soulignant qu’elle n’était pas « contre l’allaitement » et avait allaité ses propres enfants.
Or, elle plaide qu’il est « important » de parler des alternatives autres que l’allaitement même s’il ne s’agit pas de la norme dominante. « Un enfant sur quatre est alimenté autrement, mais on n’en parle pas. On fait comme si ça n’existait pas », dit la professeure de l’Université du Québec en Outaouais.
Sa recherche menée auprès de 28 familles entre 2007 et 2009 montre que parmi les parents qui ne recourent pas à l’allaitement, seulement 20 % ont pris leur décision avant l’accouchement.
Un autre groupe de 40 % ont abandonné tôt parce que ça ne se passait pas bien. L’autre groupe de 40 % s’en est détourné après 1 mois dans le découragement et, souvent, l’épuisement.
Ces personnes, note-t-elle, éprouvent un grand sentiment d’échec, voire de honte. « Ce qu’on a trouvé le plus dur, c’est d’entendre dire que l’allaitement était la meilleure chose au monde », a raconté un père.
Le rôle du père
Selon Mme De Montigny, le discours dominant suggère qu’il faut absolument allaiter pour être « de bons parents ». « Ça réduit l’expérience du couple à l’expérience physiologique », dit-elle. Elle ajoute que des parents qui ont des problèmes d’allaitement (et surtout ceux qui abandonnent) « ne consultent plus de peur d’être jugés ».
Elle invite d’ailleurs les professionnels de la santé à être vigilants en ces matières et déplore que, à la sortie de l’hôpital, on ne parle pas aux parents des alternatives autres que l’allaitement. La recherche qui a été menée seulement auprès des pères montre par ailleurs que le recours au biberon peut changer leur rôle en les rapprochant de l’enfant.
Elle avance que cela favorise le partage des tâches et leur donne un rôle plus égal à celui de la mère. « Le message social est tellement centré sur l’allaitement que les pères ont l’impression que s’ils ne peuvent pas alimenter leur enfant, ils ne peuvent pas être aussi proches de lui. »