La procréation assistée coûte plus cher que prévu

Les services de procréation assistée sont plus populaires que prévu : Québec devra, pour boucler le budget de l’année qui s’achève, rehausser jusqu’à environ 68 millions le budget du programme, alors que ce dernier devait coûter 63 millions dans deux ans.
Lors du lancement de la gratuité en 2010, Québec évaluait qu’elle coûterait 63 millions de dollars pour environ 7000 cycles de fécondation in vitro (FIV) en 2013-2014. Or, la facture atteint déjà ces prévisions : elle s’élève à 62,9 millions pour 7305 cycles de FIV pour l’année financière 2011-2012, révèlent des documents déposés par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lors de la plus récente étude des crédits.
Cette popularité a obligé le MSSS à revoir ses pronostics. Déjà, on devrait compléter près de 8000 cycles de FIV pour l’année financière qui s’achève le 31 mars prochain. La facture montera alors à environ 68 millions de dollars, confirme la porte-parole du ministère, Noémie Vanheuverzwijn.
Québec doit donc injecter au moins 5 millions par année de plus que les prévisions initiales. Et ce chiffre est conservateur : il faudra que la popularité du programme plafonne à environ 8000 cycles par an pour respecter ce cadre budgétaire. À titre de comparaison, il y a eu 8,5 % plus de cycles de FIV en moyenne, en 2012-2013, que l’année précédente.
« On pense que [la popularité] est en train de stagner, indique Mme Vanheuverzwijn. On aimerait avoir une boule de cristal pour le prédire, mais ce n’est pas possible. C’est une expérience qui est vraiment jeune. » Elle ajoute que le programme n’est soumis à aucun quota : quand la demande augmente, les budgets suivent.
Selon le Dr François Bissonnette, il est probable que la croissance de la demande se stabilise, après le boom ayant suivi l’annonce de la gratuité en août 2010. « C’est populaire, on a atteint plus rapidement le nombre de cycles prévus, mais je pense effectivement qu’on atteint un plateau, c’est une hypothèse plausible et ça correspond à nos observations sur le terrain », remarque celui qui partage son temps entre la clinique de fertilité du CHUM et la clinique OVO, dont il est l’un des actionnaires. Il est également président de la Société québécoise de fertilité et d’andrologie.
Développement de l’offre publique malgré tout
Même si Québec estime que la demande atteint un plateau et qu’il n’y a, actuellement, pas vraiment de listes d’attentes pour accéder aux services, l’objectif d’ajouter une capacité de plus de 4500 cycles dans le réseau public au cours des prochaines années est maintenu, indique le MSSS. Une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’offre actuelle.
Les raisons de ce développement public, même si on ne prévoit plus de croissance de la demande ? L’idée est d’offrir un « plateau complet de services gratuits », de « desservir les régions » (Québec et Sherbrooke) et de « rendre disponibles des services de pointe comme le diagnostic préimplantatoire », indique Mme Vanheuverzwijn, au MSSS.
Les patientes souhaitent-elles délaisser les cliniques privées implantées depuis plusieurs années ? On observe moins un déplacement des patientes des cliniques privées vers la nouvelle clinique du CHUM que du CUSM vers les autres cliniques, privées ou publiques, constate-t-on en analysant les statistiques disponibles.
En effet, au CUSM, on observe une baisse de 9 % de la cadence, avec 17 FIV de moins par mois en 2012-2013 que l’année précédente, a calculé Le Devoir à partir de données publiques.
Le Montreal Fertility Centre et la clinique OVO ont connu une croissance respective de 18 % et 8 % dans le même intervalle, alors que le Montreal Reproductive Centre et Procréa maintiennent un rythme assez stable depuis 2 ans.
Les cliniques privées réalisent les deux tiers des cycles de FIV au Québec. Cette variable est stable depuis 2 ans.
Le CHUM en sous-capacité
Au CHUM, on est loin d’avoir atteint la cadence espérée de 2000 cycles par an. Ouverte en décembre 2011, la clinique à la fine pointe de la technologie a nécessité un investissement de 16 millions de dollars. En 8 mois, en 2012, on y a complété 310 cycles. « Ça a démarré tranquillement », reconnaît le Dr François Bissonnette. Toutefois, il précise qu’on peut y traiter des cas plus délicats ou complexes.
« Le CHUM, on y croit, dit le Dr Bissonnette. Mais je me questionne en voyant les chiffres. Est-ce qu’il y a lieu de continuer les développements de nouvelles cliniques [au public] sans compter ? », demande-t-il.
Il y a trois nouvelles cliniques publiques dans les cartons du MSSS.
Au CHU Sainte-Justine, on prévoit compléter, pour la première année d’opération en 2013, 200 cycles de FIV, et 400 d’ici trois ans. Québec y a investi 5,1 millions.
Le CHU de Québec, encore à l’étape du plan d’affaires, doit commencer à recevoir des patients en 2014 et vise, à terme, 2000 cycles par an. L’hôpital estime avoir besoin de 20 millions pour lancer sa clinique. Québec n’a pas encore confirmé les montants qui seront accordés.
Le projet du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) a été retardé, alors que la clinique de FIV devait ouvrir à l’automne 2012. À terme, elle doit réaliser 500 cycles par an : cela nécessitera un investissement d’environ 5 millions de dollars.