438 antennes sur les toits de 21 établissements de santé

Vingt et un établissements de santé, de nature et d'importance variables, dans la vallée du Saint-Laurent ont permis à l'industrie de la téléphonie cellulaire et des communications d'installer un total de 438 antennes sur leurs toits, généralement plus élevés que les bâtisses environnantes.
C'est ce dont fait état un relevé réalisé par le groupe Villeray Refuse à partir des données fournies par l'industrie dans le site Internet loxcel.com. Dans ce site, on peut voir l'emplacement de tous les émetteurs de radiofréquences à travers le Canada et le nombre d'antennes installées à chaque endroit.Le site en question nous apprend notamment qu'il y a 4103 antennes de communications dans la vallée du Saint-Laurent, comparativement à 4476 dans le sud de l'Ontario. Le Grand Montréal en regroupe 2560 dont on peut obtenir l'emplacement exact, rue par rue, dans ce site Internet, ainsi que le nombre d'antennes qui y sont installées.
Selon le relevé réalisé par Mme Marie-Michèle Poisson, de Villeray-Refuse, c'est l'hôpital Pierre-Boucher de Longueuil qui a le record au Québec, avec 66 antennes sur son toit. Cet établissement de santé a des contrats avec Videotron (6 antennes), Rogers (36 antennes), Bell (6 antennes) et Telus (18 antennes).
Selon la porte-parole de l'hôpital, France Descôteaux, globalement, les revenus de location rapportent annuellement autour de 50 000 $.
À Montréal, l'hôpital Louis-H.-Lafontaine, Pavillon Ignace-Bourget, est dominé par 10 antennes. On en trouve 16 au sommet de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, 18 au sommet de l'Institut de cardiologie de Montréal, 42 sur le petit hôpital Fleury et 48 au sommet du Centre de santé et de services sociaux du Sud-Ouest à Verdun.
Deux visions opposées
Autant les milieux de la santé n'ont vu aucun problème dans cette situation jusqu'ici, autant on est critique à leur endroit dans certains groupes sociaux et écologistes.
Pour Marie-Michèle Poisson, de Villeray Refuse — le petit groupe qui se targue d'avoir fait échec en partie au projet des compteurs intelligents d'Hydro-Québec dans son quartier — «On peut comprendre, à la lumière de ces chiffres, la tiédeur des autorités médicales à s'engager dans le dossier des émetteurs de radiofréquences (RF).»
«Le ministère de la Santé et des Services sociaux, écrit-elle, n'est-il pas juge et partie dans cette affaire? Combien d'établissements, outre les 21 qu'on a recensés, appartenant au ministère, à Montréal ou ailleurs, ont passé de tels contrats avec les industriels? On sait que, après les églises, les hôpitaux sont souvent les seuls immeubles qui offrent une certaine hauteur dans plusieurs municipalités. Les églises ont trouvé un financement salutaire avec la location des clochers pour localiser des antennes. En serait-il de même des établissements de santé?»
Pour André Bélisle, président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), si les milieux de la santé ne nient pas qu'on assiste à une exposition croissante du public aux radiofréquences, ils n'osent pas au Québec défendre l'application du principe de précaution, comme le gouvernement de l'Union européenne le propose et comme le font plusieurs autorités médicales aux États-Unis.
«Pourquoi ici défend-on les normes nord-américaines, comme le Code 6 de Santé Canada, alors que, par comparaison, on voit que nos normes sont loin derrière celles adoptées par les milieux de la santé ailleurs dans le monde?», se demandait-il au cours d'une entrevue accordée au Devoir la semaine dernière.
Il a été impossible d'obtenir hier après-midi le point de vue du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), ainsi que celui de la Direction de la santé publique de Montréal.
Psychose?
Mais, sous le couvert de l'anonymat, un spécialiste en santé environnementale a expliqué que l'exposition aux RF venant des antennes, même si elles sont situées à 30 ou 40 mètres au-dessus d'un hôpital, est de beaucoup inférieure — de 10 000 à 20 000 fois — aux émissions provenant des téléphones cellulaires. Et aux émissions des micro-ondes, des ordinateurs et routeurs, qui font partie de notre vie quotidienne, des appareils dont le nombre va augmenter avec la prolifération des émetteurs de RF dans les appareils domestiques comme les réfrigérateurs, les poêles, les lave-vaisselles, etc. Tous ces appareils vont faire rapport par radiofréquences, plusieurs fois à l'heure et sans qu'on le sache, au compteur «intelligent» qu'Hydro-Québec veut installer dans chaque foyer, la base des futurs services en domotique qui pourraient devenir un lucratif marché.
Selon ce médecin spécialiste, on est présentement aux prises avec une véritable «psychose des antennes» et des émissions de RF.
Au point, d'ailleurs, qu'on songerait, dit-il, dans les milieux de la santé à faire une conférence de presse pour «remettre les pendules à l'heure». À son avis, les spécialistes qui travaillent à la mise au point et à la formulation des avis du MSSS sur cette question ne sont aucunement en conflit d'intérêts. Ces derniers, assure-t-il, n'ont rien à voir et ne sont aucunement influencés par les contrats que les directions locales des établissements de santé peuvent signer avec l'industrie de la téléphonie.
Mais ce spécialiste reconnaît «que, au début du XXe siècle, on ne baignait pas, comme maintenant, dans un bain invisible d'ondes de toute nature».
Mais, pour lui, l'augmentation de la circulation routière, des autoroutes urbaines et de la pollution automobile, que favorise le gouvernement québécois, est un problème beaucoup plus réel et plus mesurable — même en termes de décès — que le problème de l'électromagnétisme et des RF.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), conclut-il, a situé les dangers du cellulaire dans la classe 2B, où se retrouve... la caféine. «Ça n'a rien à voir, dit-il, avec la classe 1a, où se retrouvent des menaces comme celle de la cigarette ou de diverses formes de pollution chimique.»
Mais il reconnaît que le débat scientifique est ouvert et qu'il est difficile de prévoir où il va aboutir.